Par chance pour Genève, le projet de la ligne du Haut-Bugey entre Bellegarde et Bourg-en-Bresse est déjà trop avancé pour être menacé. Selon le porte-parole de l'Office fédéral des transports (OFT), la ligne des Carpates est considérée comme «prioritaire» dans les lignes d'investissements prévus dans le paquet ferroviaire voté en 1998. Gregor Saladin assure que les travaux démarreront en 2005, comme décidé, dans la partie française. Pour le conseiller d'Etat genevois en charge des transports, Robert Cramer, il est «impossible d'imaginer que le projet des Carpates soit remis en cause», la procédure étant déjà largement engagée en France. Le cas échéant, «cela entraînerait des conséquences calamiteuses pour l'image de la Suisse auprès de ses partenaires français».
Reste le CEVA. Un vieux dossier: il avait déjà fait l'objet d'une convention signée entre la Confédération, les CFF et le canton de Genève en 1912. Essentiel pour Genève, il servirait à décharger le trafic pendulaire sur la rive gauche du Léman et relierait le canton avec la France voisine. Pour concrétiser ce projet, dont le coût s'élève à 950 millions, le Grand Conseil a voté un crédit de 400 millions en juin 2002. En revanche, la Confédération ne s'est pas encore engagée. Selon l'OFT, «la Confédération a toujours répété que le financement du CEVA n'était pas assuré». Si le Conseil fédéral avait signifié sa volonté de réactualiser la convention de 1912 en signant un protocole en août 2002, les fonds nécessaires n'ont toujours pas été réunis. Finalement, le CEVA est un projet qui traîne depuis trop longtemps et qui désormais revient trop cher pour ne pas être exposé aux coûts de la rigueur.
Plus on se rapproche du pouvoir fédéral, plus les appréciations se font pessimistes. Dans l'entourage de Moritz Leuenberger, on estime que les pressions à l'austérité exercées sur le Conseil fédéral impliqueront inévitablement le redimensionnement de nombreux projets. Et le CEVA n'est sans doute pas suffisamment avancé dans le processus décisionnel pour être, comme ligne des Carpates, à l'abri d'une remise en question. Conseiller national radical, John Dupraz a senti venir ce vent mauvais: «C'est une réaction du Conseil fédéral contre Moritz Leuenberger, qui n'a pas suivi de façon assez précise le dossier: on a puisé dans les réserves pour des investissements qui n'étaient pas prévus. Je regrette que ce mouvement de mauvaise humeur bloque tout. On attend la réalisation du CEVA depuis 1912 et si on ne démarre pas maintenant, cela risque d'être remis aux calendes grecques.»
A Genève, la grogne monte. Député radical au Grand Conseil, Gabriel Barrillier regrette que le canton ne parvienne pas à mettre sur pied un système similaire au S-Bahn zurichois. «C'est inadmissible: dans dix ans, on sera paralysé», prévient-il. Pour encourager la «Confédération à sortir du bois sur la question du financement», le conseiller d'Etat Robert Cramer s'entretiendra avec Hans-Rudolf Merz le 19 mars prochain.