L’affaire du domicile de Pierre Bayenet, qui doit désormais être tranchée par la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice, agite la campagne pour les élections municipales genevoises. Par le passé, d’autres cas ont suscité la polémique, dont celui de Ruth Dreifuss, alors domiciliée à Berne, qui avait dû transférer en catastrophe ses papiers à Genève pour accéder au Conseil fédéral en 1993.

Plus récemment, le cas de la Genevoise Lisa Mazzone, brillamment élue au Conseil des Etats à l’automne dernier, a aussi été débattu. En couple avec un journaliste alémanique, la jeune écologiste partage sa vie entre Genève et Berne. Alors que Pierre Bayenet fait valoir la proximité entre le domicile de sa famille à Bardonnex et la commune visée, en l’occurrence la ville de Genève, un «écart» de canton n’est-il pas encore plus problématique?

«Centre de ses relations»

A Genève, la loi sur l’exercice des droits politiques s’applique pour les élus aux niveaux communal et cantonal mais aussi au Conseil des Etats. Elle stipule que «le domicile politique est le lieu où l’électeur réside d’une façon durable; s’il a plusieurs résidences, celle où se trouve le centre de ses relations constitue le domicile politique.» La définition de ce «centre» d’intérêt reste soumise à interprétation. Les candidats au Conseil national sont quant à eux soumis à la législation fédérale, moins stricte, qui demande uniquement de posséder des droits politiques en Suisse.

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A l’aise sur «[sa] situation, qu’[elle] a communiquée dès le début de la campagne», Lisa Mazzone détaille son agenda. Elle passe en général le début de la semaine avec son compagnon à Berne, où son jeune fils dispose d’une place en crèche pour trois jours, puis rentre à Genève. «Mon mandat politique se situe à Berne, où je siège dans quatre commissions parlementaires en plus des sessions, précise Lisa Mazzone. Mon domicile officiel est Genève, là où vit l’essentiel de ma famille, mes amis, et où je conserve plusieurs charges, notamment la présidence de l’ATE et de la CARPE.» Il n’empêche, est-elle encore suffisamment attachée au canton qui l’a élue pour représenter les intérêts des Genevois? «Je me sens profondément Genevoise, affirme-t-elle. En tant que jeune mère, je dois m’organiser pour voir au maximum mon fils, cela n’enlève rien à ma légitimité, aussi démocratique, à défendre les habitants de ce canton.»

Pendulaire par défaut

Comment s’organise son collègue Carlo Sommaruga? Hôtel ou appartement: l’élu socialiste qui siège à Berne depuis des années a testé plusieurs solutions. «Durant les sessions, il nous est tout simplement impossible de rentrer à Genève au vu des horaires tardifs», souligne le conseiller aux Etats. Les élus dont le domicile se situe à plus d’une heure de Berne reçoivent d’ailleurs une indemnité de 180 francs par nuitée pour se loger. «Depuis un an, je loue un petit studio à Berne, mais le cœur de mes activités reste Genève, où je vis avec ma compagne et mes filles, dont j’ai la garde partagée», précise Carlo Sommagura. A ses yeux, la situation de Pierre Bayenet n’est «aucunement comparable à celle de Lisa Mazzone».

«Solution de circonstance»

Conseiller municipal du Parti du travail (PdT), Tobia Schnebli abonde dans ce sens. Celui qui a déposé un recours contre la candidature de Pierre Bayenet au Conseil administratif de la ville juge les deux cas très différents. «Du fait de son mandat politique, il est normal que Lisa Mazzone déplace une partie de sa vie à Berne, estime-t-il. Dans le cas de Pierre Bayenet, c’est le caractère provisoire et opportuniste de son domicile qui me pose problème. Il n’a nullement l’intention de déplacer l’ensemble de sa vie en ville de Genève, il ne s’agit que d’une solution de circonstance pour pouvoir se présenter aux élections.» 

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«Mon déménagement n'est pas provisoire, se défend Pierre Bayenet. De plus, à Genève la loi n'impose pas de délai de carence pour se présenter aux élections. Si le PdT est en désaccord avec mon déménagement, il doit changer la loi, et non attaquer ceux qui la respectent.» Candidature recevable ou non? La Cour de justice tranchera.