En général, les professions médicales ont du mal à se mobiliser pour défendre une cause. Alors, si mardi 29 août en fin d'après-midi, près de mille médecins hospitaliers ont défilé en blouse blanche dans les rues de Genève pour dénoncer la clause du besoin, c'est qu'ils considèrent réellement cette mesure comme une menace. En tête du cortège, les représentants genevois de l'Association suisse des médecins assistants et des chefs de clinique (ASMAG) poussaient un brancard décoré d'une gerbe funèbre qui portait l'inscription: «Médecins et patients, tous otages». Otages de qui? «D'un système de santé qui veut que la hausse des coûts soit uniquement supportée par les patients et par les médecins», répond Kondo Oestreicher, présidente de l'ASMAG. Cette clause prévoit de limiter dès l'an prochain et pendant trois ans l'installation de nouveaux médecins.

Nicolas Buchs passera entre les mailles du filet. Ce rhumatologue avait déjà choisi d'ouvrir son cabinet au mois d'octobre. Néanmoins il n'a pas hésité à grossir les rangs de la manifestation. «Cette mesure prise dans l'urgence risque d'être catastrophique, dit-il. Car le problème de surpopulation des médecins ne sera pas repoussé de trois ans, mais amplifié. Lorsque la clause sera supprimée, il y aura encore plus de médecins prêts à s'installer.» Selon Corinne, médecin interne à l'hôpital cantonal de Genève, le meilleur moyen de réguler le nombre de professionnels serait d'instaurer un numerus clausus à l'entrée de la Faculté: «Quand une baignoire déborde, il faut fermer le robinet.»

Initialement genevois, le cortège de manifestants a été renforcé par des médecins assistants venus d'autres cantons romands. Les Vaudois, reconnaissables aux manches courtes de leur blouse blanche, étaient environ une centaine. «Nous sommes autant concernés que les Genevois», explique Oscar Matzinger du CHUV, «car même si la proportion de médecins est plus faible sur Vaud, notre gouvernement est toujours très bon soldat dans l'application des mesures de Berne.»

Dans son projet, le Conseil fédéral délègue aux cantons la tâche d'appliquer la clause du besoin. Lundi 28 août, l'ASMAG a rencontré le président du Département de l'action sociale et de la santé. «Guy-Olivier Segond nous a annoncé que la clause du besoin sera certainement appliquée. Nous lui avons demandé de participer à l'élaboration des critères de limitation et d'obtenir plus de postes dans les hôpitaux», indique Kondo Oestreicher. Les médecins attendent une réponse. «En cas d'échec, nous étudierons la possibilité de lancer une grève.»