Asile
Six mois après la reprise en main du canton de l’accueil des requérants chez des particuliers, le dossier n’a pas beaucoup avancé. Une paroisse l’a appris à ses dépens. Pourtant, Vaud fait mieux

Le conseil de paroisse de la commune de Troinex n’en revient toujours pas: sollicitude et bons sentiments ne satisfont pas au règlement. En mai, il décidait d’accueillir une famille de migrants dans un appartement vide de la paroisse. Mais il s’est heurté à un refus de l’Hospice général. Ce sont finalement deux femmes érythréennes qui sont arrivées la semaine dernière.
«Une famille aurait trouvé ses marques ici»
«C’est vraiment dommage, s’exclame Maurice Desjacques, membre du conseil de paroisse. L’appartement est grand, l’école est à côté, et l’épicier du village est un copte égyptien, donc arabophone! Une famille aurait trouvé ses marques ici.» Mais l’Hospice général en a décidé autrement. Malgré les commodités du logement composé de deux grandes chambres, d’un salon, d’une toilette et d’une salle de bains pour un loyer de 1200 francs par mois.
«La raison à l’origine du refus de cette proposition pour une famille est principalement due au manque d’intimité. Il n’y a en effet pas de porte entre les lieux occupés par le personnel de la cure et la famille», justifie l’Hospice général. En effet, la cuisine aurait dû être partagée. Avec qui? «Avec quelques dames qui, un mardi sur deux, viennent y boire le café», répond Maurice Desjacques. Et parfois par des catéchistes qui donnent leurs cours dans la salle contiguë.
«Au journal télévisé, vous voyez des villes syriennes détruites et on vous parle de manque d’intimité dans la cuisine…» Le paroissien en est encore tout ébaubi. Mais les standards suisses sont les standards suisses. Si, dans les centres d’hébergement, cuisine et sanitaires sont partagés, il ne peut en aller de même dans un logement individuel, où les lieux communs doivent être… privés.
Partager la salle de bains
Une barrière que le canton de Vaud, lui, a su dépasser: «Nous avons assoupli cette politique, explique Evi Kassimidis, porte-parole de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). S’il n’y a qu’une salle de bains dans le logement et que la famille comme le migrant sont d’accord de la partager, nous allons de l’avant. Nous estimons qu’il s’agit d’une affaire d’ordre privé.» En avril dernier, Vaud reprenait le dossier de l’accueil par des particuliers initié par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), dépassée par la tâche. Genève lui emboîtait le pas, le conseiller d’Etat Mauro Poggia soutenant alors que l’Hospice général allait reprendre le flambeau, au vu de l’inefficacité constatée.
Cinq mois plus tard, il n’en est rien, ou presque. L’OSAR est toujours à la manœuvre avec l’Hospice en appui. Résultat: seulement 22 personnes sont hébergées par 12 familles. «Objectivement, ce résultat est en dessous de nos espérances, car cette démarche symbolique est importante, commente Mauro Poggia. Mais l’Hospice a dû mettre ses priorités ailleurs, lui qui doit organiser pas moins de douze nouveaux projets de structures d’accueil pérennes. En outre, il y a moins de sollicitations, ainsi que des difficultés à réunir les attentes de familles et celles des migrants. Certaines personnes idéalistes sont déçues par la réalité de l’accueil et demandent à être relevées du mandat.»
Peu de propositions valables
Pourtant, 80 familles avaient proposé leurs services. Où sont passées les autres? «Après examen, seule une vingtaine de propositions était réellement en adéquation avec le projet», fait savoir Bernard Manguin, porte-parole de l’Hospice général. «Certaines se sont aussi désistées.» A noter que 82 personnes ont trouvé le gîte dans des appartements ou studios mis à disposition par des privés, des paroisses ou des communes, mais sans soutien spécifique. Pour améliorer la situation, l’institution a mis en place un nouveau programme qui portera bientôt ses fruits, assure-t-il et pour lequel quatre familles se sont annoncées. Où l’on se dit que l’affaire gagnerait en clarté avec moins de voies d’aiguillage.
Car c’est possible. Il suffit pour cela d’interroger le canton de Vaud, où les choses sont moins laborieuses: 90 personnes ont en effet été placées chez des particuliers, dont 33 à travers l’action «Un village une famille», où les migrants sont suivis par une famille ou un groupe de soutien de la commune. En outre, 976 personnes sont au bénéfice d’un bail privé, c’est-à-dire qu’un migrant et un bailleur se mettent d’accord, sans que l’EVAM n’apporte un autre soutien.
Pour donner un coup d’accélérateur à l’hébergement chez les particuliers, Genève va entamer une campagne d’information pour solliciter de nouvelles bonnes volontés. En espérant qu’elles n’aient pas été émoussées, comme à Troinex, par la complexité et les atermoiements.