La sérénité n’aura duré que quelques jours. A peine l’experte psychiatre des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) blanchie par un audit, voilà que les hostilités reprennent. Cette fois, c’est la neutralité des experts qui est en cause.

La semaine dernière, cette affaire entourant les divorces hautement conflictuels semblait pliée. Le Temps révélait qu’un audit externe et indépendant blanchissait la doctoresse de tout soupçon: accusée par un collectif de parents, eux-mêmes soutenus par des médecins, des avocats et des politiques, de rendre des expertises partiales aboutissant à les priver de leurs enfants, la doctoresse s’en tirait avec les honneurs. Les deux experts psychiatres français mandatés pour cette enquête concluaient à un travail irréprochable et qualifiaient la doctoresse de bouc émissaire innocent.

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L’affaire en serait restée là si des indices d’accointances entre la doctoresse et les mandataires chargés de l’évaluer n’étaient apparus entre-temps. Selon des documents disponibles sur la Toile, on constate notamment qu’un des psychiatres français s’est inspiré de la méthode mise au point par la Genevoise pour créer une certification à l’Université Paris-Descartes. Y aurait-il un risque de complaisance dès lors qu’il doit juger une consœur de renommée internationale dont il tient les travaux en assez haute estime pour en faire un diplôme universitaire?

Mauro Poggia prêt à repartir de zéro

Les HUG s’en défendent: «Cette méthode a inspiré plusieurs experts français pour monter une formation à Paris dans laquelle la doctoresse n’intervient pas, explique son porte-parole, Nicolas de Saussure. Le fait de s’inspirer et de citer une experte ne révèle aucunement un conflit d’intérêts et se fait dans tous les domaines. De plus, cette formation n’est pas dirigée par le psychiatre chargé de l’audit. En conclusion, leur lien est de nature purement académique.» Pas sûr que le ministre de tutelle, Mauro Poggia, en soit absolument convaincu. Interrogé sur ce lien dont il n’avait pas connaissance, il se dit prêt à remettre l’ouvrage sur le métier: «La question qui se pose aujourd’hui, même si je n’ai aucun élément factuel permettant de mettre en doute l’objectivité de cet audit, est de savoir si ces liens sont de nature à affaiblir les conclusions du rapport. Ce sujet va devoir être abordé avec les HUG, et je n’exclus pas, en l’état, qu’un nouvel audit doive être mis en œuvre, tant il est vrai que le sujet est délicat et sensible, et que la perception de l’objectivité est aussi importante que sa réalité.»

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«C’est une blague!»

Il est vrai que le cercle des experts psychiatres familiaux du monde francophone est un cénacle dans lequel chacun connaît et cite ses pairs à l’envi. Une excuse irrecevable pour l’avocate de la famille, Me Magda Kulik: «C’est une blague! A croire qu’on est allé chercher les deux seules personnes qui ne pourraient pas critiquer la méthode de la doctoresse genevoise, puisque la certification qu’elles proposent est basée sur sa méthode!» L’explication ne rassure pas non plus les députés membres de la Commission des droits de l’homme du Grand Conseil qui s’est auto-saisi de ces questions entourant la garde d’enfants.

Le socialiste Cyril Mizrahi tacle le ministre MCG: «Que les HUG nomment des experts pour se faire expertiser eux-mêmes, c’est un gag! J’ai l’impression que Mauro Poggia n’a pas vraiment joué son rôle de surveillance des HUG. Il aurait dû aussi examiner la bonne facture des expertises de la doctoresse au niveau juridique.» Pour le député UDC Marc Falquet, l’affaire est entendue: «On voit que la doctoresse est le mentor des gens qui l’ont auditée. Comment voulez-vous qu’ils soient critiques?» La commission va poursuivre ses travaux. Si les conclusions de l’audit avaient eu pour objectif de l’en dissuader, c’est raté.

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