Une petite biche en plastique parmi cinq vaches suisses traditionnelles en bois taillé. Au jeu de l’intrus, le bureau d’Adrien Genier, nouveau directeur de la Fondation Genève Tourisme & Congrès, se prête avec facilité. «J’ai ajouté cette biche pour me remémorer nos années à Stockholm, où deux de ces animaux venaient fréquemment manger des pommes dans notre jardin», raconte-t-il. Il pourra bientôt étoffer sa collection d’une mouette de la Cité de Calvin.

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Voilà quinze jours qu’Adrien Genier, 41 ans, est en poste, succédant à Philippe Vignon remercié en 2017 après les déboires des Fêtes de Genève. Depuis, celles-ci ne figurent plus au cahier des charges de la Fondation Genève Tourisme; elles n’existent d’ailleurs plus comme auparavant, puisque seul le Grand feu d’artifice est maintenu, pour autant qu’il trouve un financement. Il fallait donc, pour reprendre le flambeau de la Fondation mise à mal par ce fiasco, une personnalité d’un optimisme consacré; celui de ce Vaudois d’origine paraît incorrigible. Casse-pipe, sa mission? «Non, au contraire, répond-il. De toute manière, ce n’est pas le rôle d’un office du tourisme de faire de l’événementiel, mais de soutenir toute manifestation à valeur ajoutée touristique. Cette histoire a dû être un choc pour les équipes, pour la population, mais c’est du passé. Nous n’avons aucune crise à l’interne, mais une bonne atmosphère et un outil de travail performant.»

Un homme de marketing

Impossible d’emmener Adrien Genier sur le terrain des tensions genevoises autour du tourisme qui ont pu s’exprimer, au printemps dernier, lors des états généraux, ni sur les lacunes et faiblesses de la destination – comme la mobilité, qui n’est pas le point fort de Genève, ou l’aménagement de la Rade, qui laisse à désirer – encore moins sur le terrain maudit de la politique qui s’invite volontiers au dossier touristique. Une nouvelle loi est d’ailleurs actuellement en consultation, elle prévoit notamment que Genève Tourisme devienne une fondation de droit public. Mais Adrien Genier est un homme de marketing, sa mission se résume à vendre avec conviction les produits dont il a la charge. Ce qu’il a fait en Scandinavie et au Brésil, où il travaillait pour l’organisation faîtière Suisse Tourisme comme responsable des marchés, après avoir fait ses armes comme directeur de l’Office du tourisme d’Estavayer-le-Lac et de Payerne.

Avec Genève, il n’est pas trop mal servi. La République possède en effet une notoriété dont beaucoup de villes ne peuvent se targuer et sur laquelle capitaliser. Résumée en trois mots par le nouveau Monsieur Tourisme, Genève est une destination «haut de gamme sans être luxueuse, une ville boutique, le lieu du multilatéralisme». Reste pour lui à en travailler le contenu. Là non plus, Adrien Genier ne s’avance pas trop, modeste: «Je suis encore en phase d’apprentissage et d’observation.» Avec une augmentation des nuitées de 5,1% en 2018 (chiffres jusqu’à novembre), Genève fait mieux que la Suisse qui enregistre 3,3% d’augmentation. Mais le tourisme de loisirs présente encore un fort potentiel de croissance: «Il s’agit dès lors de renforcer cette tendance, en portant notamment l’effort sur les week-ends, où les hôtels sont moins remplis», explique Adrien Genier. A Genève, le principal marché est la Suisse elle-même, suivie des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, des pays du Golfe et de la France. «Pour la clientèle de proximité, il s’agit donc de vendre le terroir, l’offre culturelle, de petites excursions en sécurisant les nuitées, un tourisme d’expériences. Et pour les Suisses, le franc fort n’est pas un handicap. A l’étranger, c’est le «Swiss made» qui séduit. Il faut mettre davantage en avant Genève comme ville suisse, avec son perfectionnisme, sa propreté, sa qualité.»

Une mécanique touristique huilée

Adrien Genier insiste sur le marketing digital, qui permet de cibler le client auquel on veut s’adresser. 80% des nuitées genevoises sont liées au tourisme d’affaires, dont les activités génèrent en moyenne des retombées économiques de 60 millions de francs l’an. Un secteur qui fait face à une forte concurrence: «Genève Tourisme, en tant qu’organisateur neutre, se fait l’interface entre tous les acteurs concernés et peut aussi proposer des animations, des excursions», explique Adrien Genier. Une mécanique touristique huilée, qui ne donnera des résultats que si tous les acteurs coopèrent. Le nouveau directeur le sait, qui prévoit de «communiquer davantage avec tous les prestataires, de manière informelle, pas trop lourde, peut-être à travers une plateforme. Il y a peut-être un manque de clarté sur le travail de Genève Tourisme.»

Le directeur ne sera pas seul pour mener à bien cette mission. Il pourra compter sur Sophie Dubuis, nommée en décembre par le Conseil de Fondation à la présidence de Genève Tourisme. Ancienne directrice du Centre international de conférences de Genève (CICG), actuelle directrice de Bucherer, c’est à elle que reviendra la tâche de fédérer des acteurs qui, jusqu’ici, se sont plutôt montrés désunis: «Suite aux difficultés et à la remise en question des Fêtes de Genève, il est essentiel que chaque acteur retrouve sa place naturelle. La nouvelle loi sur le tourisme est une occasion de nous y aider.» Il y a encore long de la coupe aux lèvres, puisque les consultations sur cette nouvelle loi prendront fin au 1er février, avant de passer en commission puis au Grand Conseil. «J’admets une certaine pression, mais je vais travailler au consensus entre tous les partenaires, Etat compris», conclut Sophie Dubuis. Et si les Genferei devaient reprendre le dessus, reste à en faire une image de la marque: «Je crois beaucoup à l’humour et à la dérision», plaisante le nouveau directeur.