- Mauro Poggia: Non, en aucun cas. Le sujet était d’actualité depuis au moins un an et demi, mais une telle décision est toujours délicate. Devant un déficit d’exploitation annuel d’un million de francs et la baisse de fréquentation graduelle de ce chalet jusqu’à 61% l’an dernier, c’était la meilleure chose à faire. Le personnel et l’offre seront déplacés sur un autre site. Cela étant, il serait souhaitable que les communes prennent la relève sur ce type d’offre.
- L’Hospice porte plainte contre un site anarchiste qui appelle à la violence contre des employés de l’Etat. Cette dérive vous inquiète?
- Je suis scandalisé par ces accusations de «collabo-fascisme» proférées contre des employés. Je vais m’assurer que les défenseurs des migrants que je reçois fréquemment n’hébergent pas dans la nébuleuse de leurs mouvements associatifs des membres qui font partie de ce groupe.
- Le Conseil d’Etat a écrit à Berne pour obtenir la caserne des Vernets, en menaçant de refuser toute nouvelle attribution de requérants s’il ne l’obtenait pas. Mais vous vous êtes déjà heurtés à plusieurs fins de non-recevoir de la part d’Ueli Maurer, puis Guy Parmelin!
- Nous aurons cette semaine un contact avec Guy Parmelin, qui j’espère sera sensible à nos arguments pour corriger une iniquité. Actuellement, Berne ne tient compte que du nombre d’habitants par canton pour fixer la clé de répartition des requérants, et pas de la densité de population. Avec 490 000 habitants, nous recevons 5,9% de requérants en 2016. Or nous avons une densité de population qui est sept fois supérieure à celle de Saint-Gall, dont le nombre d’habitants est presque équivalent. Pourtant, ce canton reçoit moins de requérants. Tous les cantons villes sont lésés. Il faut que la Confédération y mette du sien.
- Vaud craint un dépassement de 45 millions de francs pour l’asile en 2016. Et à Genève?
- Nous allons certainement dépasser de 10 à 15 millions cette année, mais c’est dû au fait que nous fonctionnons sur le budget 2015. Selon des projections, l’asile pourrait coûter au total 111,6 millions cette année et 130,3 millions l’année prochaine.
- 15,6% de bénéficiaires de l’aide sociale sont des requérants ou des réfugiés. Faut-il dès lors encourager les réfugiés à travailler, quand bien même vous tenez à privilégier les travailleurs genevois?
- Aussi longtemps que les gens sont autorisés à vivre ici, ils doivent se prendre en charge autant que possible, malgré la concurrence qu’ils peuvent représenter. Je n’ai pas à privilégier les uns ou les autres, ni l’envie de créer des résidents de seconde zone. Mais il ne faut pas se voiler la face: l’intégration, pour certains groupes, est difficile.
- Le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale augmente, la durée aussi. Après votre échec à baisser le supplément d’intégration, avez-vous renoncé à toute réduction de prestations?
- Non, même si la tâche est ardue, il va falloir repenser certaines prestations. Rien n’est plus impopulaire que de le dire, et rien n’est plus irresponsable que de le taire. Car les politiques sociales sont celles qui connaissent la plus forte hausse. Le problème, c’est que la population, à chaque proposition d’économie, même modeste, se laisse convaincre du caractère indispensable de la prestation. Il faudra pourtant, un jour, se poser la question de savoir où on peut faire l’effort. Il serait toutefois malvenu de mélanger le débat sur RIE III, avec une réforme de l’aide sociale.
- Les syndicats dénoncent des coupes dans les institutions du secteur social, de 1,5% en moyenne. Y a-t-il encore du gras dans ce secteur?
- Certaines institutions subventionnées ont encore les moyens de participer à l’effort, même si elles affirmeront le contraire. Je pense qu’on peut augmenter l’efficience en réduisant les coûts, car on part d’un confort très élevé. Je peine à comprendre ces manifestations préventives, alors qu’il faut chercher ensemble des solutions avant que la réalité ne nous les impose.
- Au Service de protection de l’adulte (SPAd), le taux d’absentéisme est de 9,11%. Dans certains autres services, il va jusqu’à 13%. Les syndicats crient à la surcharge de travail. Ce n’est pas votre lecture?
- Partiellement. Je crois aussi que cela peut être la manifestation d’un problème de management. Les absences perlées sont révélatrices d’un mal-être au travail et d’une absence de cohésion. En réglant cela, l’absentéisme fléchit. Voyez le SPAd, où le taux était encore de 11,6% en 2015. Il faut poursuivre les efforts pour arriver à un taux acceptable, comme à l’Hospice, de 4,4%.
- Plus il y a de médecins, plus les coûts de la santé augmentent. Pensez-vous qu’il en va de même pour les institutions sociales?
- C’est difficile à dire. Disons que l’Etat ne pourra pas assurer indéfiniment l’idée qu’elles se font de leur tâche. A-t-on démontré que plus souvent une personne est reçue, plus vite elle regagne le marché du travail? Je n’ai jamais rien lu de tel. C’est louable de vouloir épauler les gens, mais il ne faut pas valoriser à l’excès une société qui met en première ligne l’assistance sociale. Je préfère la réinsertion professionnelle.
- Les syndicats fustigent le doublement de recherches d’emploi par mois (de 5 à 10) imposées aux chômeurs. Pourquoi une pratique générale en Suisse romande fait-elle débat à Genève?
- Les syndicats ont voulu attirer l’attention avec quelques personnes portant des calicots. Pourtant il n’est pas difficile de comprendre que plus on cherche du travail, plus on a de chances d’en trouver! Peut-être veulent-ils ressembler à leur grand frère français? On les souhaiterait plus constructifs. Ils ont été invités à discuter avec l’Office cantonal de l’emploi mais ils ont décliné l’offre.
- Vous avez demandé le licenciement d’un frontalier engagé à la fondation Clair Bois alors que plusieurs chômeurs avaient le profil. Beaucoup de bruit pour rien, non?
- Faire une directive pour la laisser piétiner, c’est perdre sa crédibilité. A ma connaissance, Clair Bois n’a pas l’intention d’obtempérer à ma demande. S’ils ne nous envoient pas l’attestation de salaire de cet employé, j’ai résolu de déduire 200 000 francs à la subvention cantonale de cette institution.
- Êtes-vous sûr que la préférence cantonale est efficace? Certes, le chômage a baissé à 5,5% mais c’est conjoncturel.
- En effet, et les projections ne sont pas réjouissantes. Mais en 2015, sur 835 engagements dans l’administration, 65% sont passés par l’Office cantonal de l’emploi. Dans les institutions subventionnées, 1256 personnes viennent de l’OCE. Ces gens auraient-ils eu la même chance sans la directive? On n’en sait rien. L’OCE doit, de son côté, poursuivre ses progrès, en proposant des compétences transférables et en travaillant en partenariat avec les entreprises. Mais il faut aussi que les employeurs jouent le jeu. S’ils engageaient 6500 sans emploi sur les 100 000 travailleurs frontaliers qu’ils occupent, notre taux de chômage serait divisé par deux…
- L’an dernier, il y a eu 130 licenciements dans des EMS, pour l’essentiel du personnel non qualifié. A forcer l’embauche, voilà à quoi on s’expose, non?
- Non, je ne crois pas. C’est juste la preuve que les EMS fonctionnent comme des employeurs normaux, qui ne font pas de concession sur la qualité et la prise en charge des patients.
- Le MCG se déchire. Reste-t-il des perspectives à ce parti?
- Bien sûr. Malgré des différences de sensibilités entre l’aile droite et l’aile gauche, l’ambiance est bonne. Nous avons prévu de parler de nouvelles thématiques, car le MCG doit cesser d’être le facilitateur des bonnes idées des autres. Il devrait être davantage le défenseur des prestations publiques plutôt que de la fonction publique et aider à trouver de nouvelles sources de revenus pour l’Etat. Il pourrait aussi porter des sujets comme une construction régionale sensée.