Des mesures de bruit au-delà des normes légales, de multiples accidents, des bouchons interminables: la rue des Charmilles incarne en tout point l’enfer du trafic routier en milieu urbain. C’est du moins l’avis de ses habitants qui, excédés, ont lancé une pétition pour demander la limitation du trafic à 30km/h, de jour comme de nuit. Un objectif que la Ville de Genève entend généraliser à l’ensemble de son territoire sans toutefois parvenir à le concrétiser. Déterminé à faire pression sur les autorités, le collectif peut compter sur le soutien de l’ATE (Association transports et environnement) pour qui le cas précis est représentatif d’un fléau dont souffre une grande part de la population genevoise (entre 25 et 60% selon le niveau de nuisances).

D’une longueur d’à peine 500 m, la rue des Charmilles fait office de frontière entre le quartier populaire éponyme et celui, plus cossu, de Saint-Jean. Elle est utilisée comme un raccourci pour rallier la rive gauche en évitant la rue de Lyon, elle-même perpétuellement engorgée. Intégré au réseau secondaire, l’axe est le seul à autoriser une circulation à 50km/h, les rues alentour étant passées à 30km/h. Un revêtement phonoabsorbant a été posé en 2018 mais n’a pas suffi à régler le problème du bruit qui oscille toujours entre 65 et 71 décibels durant la journée, soit au-delà des limites de l’Ordonnance fédérale de protection contre le bruit, fixées à 65 décibels le jour et 55 la nuit. Qui est compétent pour statuer? Etrangement, le canton et la Ville se renvoient la balle, chacun estimant que seul l’autre peut décider du sort de la rue des Charmilles.

Manque de sécurité

Au-delà du bruit et de la pollution, le manque de sécurité pour les piétons et les cyclistes est aussi pointé du doigt. «Il nous est impossible de laisser nos enfants se rendre seuls à l’école toute proche, déplorent Nina Ingenkamp et Marie-Claude Frauenrath, à l’origine de la pétition. Sans parler d’ouvrir les fenêtres, de profiter de notre balcon ou encore de flâner dans le quartier.» Elles-mêmes possèdent une voiture mais affirment ne pas l’utiliser durant la semaine pour se rendre au travail. Pour les habitants, le semi-confinement a fait office de déclic: «J’ai redécouvert ce que c’est de dormir sans être réveillée durant une nuit entière», confie Nina Ingenkamp qui tente, sans succès, de déménager depuis plusieurs années.

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Pour la présidente de l’ATE Genève Caroline Marti, le 30km/h constitue une solution «efficace et peu coûteuse» pour réduire les pics de bruit dans un quartier urbain doté d’une très forte densité. «La mesure a donné de bons résultats sur le Boulevard du Pont-d’Arve sans toutefois congestionner le trafic», estime-t-elle, rappelant qu’un passage de 50 à 30 km/h équivaut à un bruit du trafic réduit de moitié. «Même si des efforts ont été réalisés, Genève compte encore quelque 65km de routes dépassant les valeurs limites avec les conséquences que cela entraîne sur la santé, risque accru de crise cardiaque et prévalence au diabète entre autres», déplore Caroline Marti.

Cheffe du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité, la Verte Frédérique Perler accueille d’un bon œil la proposition des habitants, estimant que «la réduction de la vitesse à 30km/h permettrait de réduire les nuisances sonores, d’augmenter la sécurité des piétons et des cyclistes, ainsi que la fluidité du trafic, avec des coûts moindres puisqu’une simple signalisation couplée à une régulation plus fine des feux suffisent».

Le canton se montre ouvert

Si la pétition est formellement adressée à la Ville, le canton devra valider une éventuelle limitation de la vitesse de circulation. En avril 2020, ce dernier a mis en consultation sa stratégie de lutte contre le bruit dont les résultats seront présentés cet automne. L’instauration de zone à 30km/h est proposée dans l’hyper-centre. Considérée comme faisant partie du centre-ville, la rue des Charmilles ne serait pas a priori pas concernée. Questionné sur la démarche des habitants, le canton se montre toutefois ouvert à la discussion. «Si la Ville nous soumet un projet allant dans ce sens, l’office cantonal des transports l’examinera en tenant compte de l’ensemble des paramètres pertinents, comme la vitesse des transports publics», déclare Roland Godel, porte-parole du Département des transports. Une lueur d’espoir pour les riverains qui, lassés des promesses, attendent désormais des mesures concrètes.

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