Le Conseil d’Etat genevois justifie l’éviction de Corine Moinat par une «rupture du lien de confiance»
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La présidente du conseil d’administration de l’aéroport a été débarquée la semaine dernière. Lors d’un point de presse très attendu, le magistrat de tutelle Serge Dal Busco a reconnu le «caractère abrupt» de cette décision, sans toutefois en expliciter les raisons précises

Une «rupture du lien de confiance». C’est ainsi que le Conseil d’Etat genevois justifie la mise à l’écart de Corine Moinat, présidente du conseil d’administration de l’aéroport de Genève, démise de ses fonctions par le biais d’un arrêté du 2 mars. A sa place, le gouvernement a nommé Pierre Bernheim, auparavant vice-président. Lors d’un point de presse très attendu, le canton, qui avait jusqu’ici refusé de s’exprimer, a rappelé le «rôle particulier» du président du conseil administration, dont l’une des missions est d’assurer la «liaison» avec le Conseil d’Etat, et en particulier le magistrat de tutelle. Corine Moinat a annoncé sa volonté de faire recours auprès de la Chambre administrative et réserve ses commentaires à une date ultérieure.
Président de l’exécutif, Serge Dal Busco justifie son silence par le souci d’informer en priorité les principaux concernés, Corine Moinat et le reste du conseil d’administration de l’aéroport. S’il reconnaît le caractère abrupt de la décision, le magistrat précise qu’elle aurait pu être prise bien plus tôt. «Contrairement à ce que certains ont pu dire, il n’y a rien de politique dans ce choix», affirme-t-il, revendiquant une logique de travail basée sur la confiance et non pas l’allégeance.
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Qu’est-il reproché exactement à Corine Moinat? Serge Dal Busco refuse d’expliciter les «éléments de différentes natures, connus de l’intéressée». Il ne s’agit toutefois pas de faute grave, sans quoi elle ne pourrait pas continuer à siéger au sein du conseil d’administration. Le gouvernement précise que des discussions soutenues ont eu lieu depuis le début du mois de février avec Corine Moinat. «Nous lui avons soumis plusieurs propositions visant à assurer une transition élégante, elles ont toutes été refusées», déplore Serge Dal Busco.
Corine Moinat conserve «l’entière confiance» de ses collègues
Après deux ans de pandémie, l’aéroport de Genève est dans une situation financière critique, accusant près de 130 millions de francs de perte en 2020. Pour 2021, le déficit, qui sera communiqué officiellement à la fin mars, devrait être inférieur à 100 millions. «Notre priorité est aujourd’hui d’assurer la pérennité, voire même l’existence, de cette institution et d’accompagner au mieux la reprise économique», précise Serge Dal Busco. Deux lois ont récemment été votées par le Grand Conseil: un parachute financier de 200 millions et une loi d’application de l’initiative «pour un pilotage démocratique de l’aéroport de Genève», acceptée par la population en novembre 2019.
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Dans un communiqué envoyé en début d’après-midi, le conseil d’administration de l’aéroport maintient son «entière confiance» envers Corine Moinat. Serge Dal Busco n’y voit pas un désaveu et répète qu’il s’agit d’une décision unanime du Conseil d’Etat. «Les entités publiques subventionnées telles que l’aéroport sont intimement reliées à l’Etat», rappelle le chef du Département du territoire Antonio Hodgers, évoquant la nécessité d’avoir une «bonne dynamique de gouvernance avec les personnes qui les dirigent».
Le PLR craint pour l’indépendance des administrateurs
La bonne gouvernance des établissements publics, c’est justement ce qui préoccupe le PLR genevois qui s’est fendu, lundi, d’un communiqué très critique à l’encontre du Conseil d’Etat. Le vice-président du parti et député Pierre Nicollier ne décolère pas. «Par cette décision vexatoire d’évincer Corine Moinat, le gouvernement se montre trop interventionniste et dépasse ses prérogatives», estime-t-il, dénonçant le «signal» envoyé aux administrateurs. «En clair, le Conseil d’Etat dit: «Si vous ne faites pas ce que nous voulons, ça va mal se passer pour vous». Cet autoritarisme à l’encontre de personnes qui doivent justement rester indépendantes est choquant.»
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Présidente des Vert·e·s genevois, Delphine Klopfenstein juge pour sa part que l’exécutif est dans son rôle. «D’un point de vue de gouvernance, les relations entre l’Etat et les régies autonomes doivent être bonnes, au risque de prétériter le canton dans son ensemble.»