Précarité
Entre promiscuité et manque d’hygiène, les personnes en situation de précarité sont particulièrement exposées au virus. Face à l’urgence, la ville a décidé de réquisitionner la caserne des Vernets pour les accueillir

«Restez chez vous»: le mot d’ordre de la Confédération est inapplicable pour les personnes sans-abri. Exposées à la promiscuité des lieux d’accueil d’urgence et souffrant souvent de comorbidités physiques ou psychiques, ces dernières sont particulièrement vulnérables face à l’épidémie de coronavirus. Alors que Genève est en semi-confinement, les associations remuent ciel et terre pour appliquer les mesures sanitaires requises dans les lieux d’hébergement. Face à l’urgence, la ville a décidé de réquisitionner la caserne des Vernets afin d’améliorer la prise en charge et de diminuer le risque de propagation du virus. Une mesure exceptionnelle.
Dangereuse pour tous, l’épidémie de coronavirus l’est encore davantage pour les sans-abri, population fragile par définition. «Leur santé est souvent altérée par une alimentation irrégulière, un stress quotidien causé par l’errance, une mauvaise qualité de sommeil ou encore une hygiène précaire faute d’accès à des lieux adéquats», souligne Alain Bolle, directeur du Centre social protestant et membre du collectif CAUSE (Collectif d’associations pour l’urgence sociale). De fait, certains SDF ont déjà été testés positifs au Covid-19. «Il y a des gens qui toussent mais c’est le cas toute l’année, souligne Alain Bolle. Lorsqu’ils présentent des symptômes, on les oriente vers la tente de dépistage des HUG.»
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Confinement impossible
Actuellement, les associations n’ont pas les moyens d’offrir un confinement, les lieux d’accueil étant, par définition, collectifs. A l’exception de la villa La Roseraie qui dispose de six chambres individuelles. Autre inquiétude: la santé des travailleurs sociaux, exposés au risque de contagion. «Nos équipes travaillent actuellement dans des conditions précaires, tance Alain Bolle. On réclame du matériel de protection, masques, gants et gel hydroalcoolique, afin de les rassurer.»
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De fait, l’accueil d’urgence est durement mis à l’épreuve par l’épidémie. Les points d’eau et autres laveries ont fermé pour des raisons sanitaires. Les lieux d’hébergement ont dû se réorganiser pour respecter la distance sociale requise de deux mètres entre chaque couchage. Dans ce but, la ville de Genève a mis à disposition trois salles de gymnastique et trois abris de la protection civile. La distribution de nourriture est elle aussi chamboulée par la règle qui interdit les réunions de plus de cinq personnes. «Les mesures de sécurité exigées par la Confédération sont difficilement applicables avec un public vulnérable comme les sans-abri», résume Alain Bolle.
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Dispositif de 400 places
L’ensemble de ces facteurs ont conduit la ville de Genève à réquisitionner la caserne des Vernets. Actuellement inoccupée, elle doit être détruite prochainement pour laisser place au nouveau quartier du PAV. «Le Conseil administratif a décidé mercredi de prendre sous sa responsabilité le pilotage et la gestion de l’ensemble des dispositifs d’urgence sociale, de fermer les abris de la protection civile et les salles de gymnastique actuellement ouverts et d’assurer les prestations de repas aux personnes sans-abri dès que la caserne des Vernets sera opérationnelle, soit dans les prochains jours», détaille Esther Alder, magistrate chargée du Département de la cohésion sociale. Un immense chantier qui ne fait que commencer.
D’une capacité de 400 personnes, le lieu offre des espaces vastes, qui peuvent être différenciés et cloisonnés selon les prestations et les publics. Quelque 130 places destinées aux grands précaires seront également disponibles au foyer Frank-Thomas situé aux Eaux-Vives. Le dispositif sera piloté par la ville avec la collaboration des pompiers. Jusqu’à quand? «Tant que durera la crise sanitaire actuelle», répond Esther Alder.
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