Couple tué à Genève: «C'est inhumain de traiter des gens comme ça»
Justice
Les filles des victimes ont témoigné au procès du ressortissant roumain accusé d’un double assassinat. Elles ont souffert le traumatisme de cette perte simultanée et ont subi le choc d’apprendre la vie parallèle menée par leur père

C’est comme si leur vie s’était arrêtée il y a quatre ans. Les filles du couple de retraités, morts sous la fureur d’un clochard roumain, ont témoigné de leur profond traumatisme au procès du prévenu. Celles-ci ont vécu un double choc. Celui de perdre d’un coup leurs parents de manière aussi brutale et aussi celui d’apprendre la double vie de leur père, son homosexualité, et sa fréquentation de jeunes prostitués rencontrés dans les parcs. «Nous sommes les victimes, mais on se sent quand même mal par rapport à ce qui s’est passé», précise l’aînée pour décrire l’impression injuste liée à tout ce contexte.
Famille dévastée
Elles ne veulent pas entendre les mots d’excuses, ni même voir celui qui a frappé et étranglé leur père et leur mère avant de malmener les cadavres. Lundi soir, les parties plaignantes ont pris place derrière un paravent pour évoquer la mémoire des disparus. Des parents chaleureux, bons vivants, très présents, contents d’avoir enfin le temps de rendre visite à leur famille en Suisse alémanique ou de passer des moments dans leur studio du sud de la France et, surtout, des grands-parents très impliqués. Leurs corps ont été retrouvés le jour du baptême des petits et il a fallu passer le drame sous silence «pour ne pas leur gâcher la fête».
Les filles n’ont jamais rien su de la vie parallèle du père. Lors d’une hospitalisation, ce dernier avait parlé de sa séropositivité mais sans en dire plus. On ne saura pas si l’épouse était au courant. Les voisins, eux, l’avaient bien compris en voyant souvent passer de jeunes hommes. «J’étais sous le choc mais je ne les juge pas. Ils ont fait de leur mieux pour nous et c’est cela qui compte», ajoute l’aînée. La plus jeune est encore plus dévastée. Licenciée «pour son bien» par la banque qui l’employait suite aux absences entraînées par cette perte, tout son monde s’est écroulé et elle s’est retrouvée à l’assurance invalidité. Des angoisses, des cauchemars, une vie de couple perturbée, rien ne sera plus jamais pareil.
Manque d’empathie
Le plus difficile, explique la cadette, c’est l’acharnement avec lequel les crimes ont été commis. «C’est inhumain de traiter des gens comme ça.» Une alcoolisation massive au moment des faits, aux dires du prévenu, peut-elle expliquer ce déchaînement? Les experts en toxicologie ont abouti à un taux situé entre 2,2 et 3,3 pour mille. De quoi plonger la plupart des gens dans le coma. Mais pas tout le monde. La tolérance et l’accoutumance peuvent rendre certaines personnes beaucoup plus résistantes. En substance, rien ne peut être dit des effets de l’alcool sur le comportement du prévenu au moment d’agir.
Les experts psychiatres, Gérard Niveau et Victor Bancila, se montrent également réservés sur l’impact de cette ivresse. Leur rapport conclut à une pleine conscience et volonté, voire une responsabilité légèrement diminuée si un taux aussi important est retenu par les juges. Les spécialistes n’ont pas discerné de pathologie psychiatrique chez le Roumain mais certains traits dyssociaux. Ils ont trouvé son récit sincère et expliqué que le dégoût et l’humiliation, sur un plan sexuel, peuvent être un vecteur de réaction extrêmement violent. Ils ont enfin relevé un manque d’empathie. «Il regrette ce qu’il a fait mais n’éprouve pas de chagrin pour ses victimes.» Une froideur que la procureure développera mercredi lors de son réquisitoire.
Lire aussi: Double homicide à Genève: un procès sur fond de prostitution et de fureur