Drôle d’endroit que la Fondation Partage, dont le but est de distribuer de la nourriture aux plus démunis en luttant contre le gaspillage, pour vanter les mérites de la réforme de l’imposition des entreprises RFFA. Et pourtant.

Marc Nobs, directeur de Partage, a expliqué jeudi à la presse «le soutien déterminant des acteurs privés», à travers les dons en nature ou le bénévolat, tout comme Lionel Bovier, directeur du Musée d’art moderne et contemporain (Mamco). Ils étaient entourés de la conseillère administrative de la ville de Genève Sandrine Salerno, socialiste et favorable à la réforme: «Je ne voudrais pas que le miracle vaudois se réalise grâce au cauchemar genevois, explique-t-elle en référence au risque de voir les entreprises s’exiler du canton en cas de refus. On tient avec RFFA une solution, elle est le fruit d’un compromis, également avec les communes.»

Ce n’est pas Xavier Magnin, président de l’Association des communes genevoises, qui la contredira: «Toutes les communes ont dit oui à ce taux, et beaucoup ont fait des réserves conjoncturelles.» Pour compléter ce panel bigarré, le CEO de l’entreprise Kugler Bimetal, Jérôme Chanton, assure que RFFA va aider à investir dans la recherche et développement ainsi que la formation: «Mais si ça ne passe pas, on va se poser la question de bouger de 60 kilomètres!» Enfin, l’ancien ministre des Finances Vert David Hiler est sorti temporairement de sa retraite politique pour convaincre du bien-fondé de cette réforme, contre laquelle se bat son parti. Interview.

Le Temps: Les Verts genevois font-ils fausse route?

David Hiler: Je ne suis pas d’accord avec mon parti, sans pour autant me fâcher avec lui. On tient là une bonne solution, un tout cohérent avec les compensations sociales nécessaires, ce qui n’était pas le cas avec RIE III. S’en tirer avec 186 millions de pertes, ce n’est pas grand-chose et c’est inespéré. Si on ne fait rien à Genève et que le projet est accepté au niveau suisse, l’exode concernera non seulement les entreprises à statut mais aussi les entreprises ordinaires.

Chez les Verts genevois, l’aile idéologique prend-elle le pas sur celle pragmatique?

Les Verts souffrent, comme les socialistes, du syndrome genevois d’une extrême gauche forte qui les entraîne sur certains sujets. Arrive aussi une jeune génération aux opinions plus tranchées. Disons qu’il était plus facile d’être Hiler ou Cramer que Hodgers. Car à Genève, aujourd’hui, plus personne ne se sent lié par les décisions de l’exécutif. Depuis 2015, il n’y a qu’un très petit nombre de décisions que le Conseil d’État a réussi à faire passer. Non qu’il soit mauvais, mais il est devenu difficile d’obtenir des majorités. Et depuis 2013, plus personne n’a envie de passer des accords ou ne se sent lié par ceux qui ont été passés. Je ne suis pas sûr non plus qu’il se trouve des personnalités au leadership suffisant pour y parvenir. C’est une situation très genevoise, mais circonstancielle.

Le pari des opposants à RFFA ne peut-il s’avérer payant? Réclamer un taux supérieur au soir du 19 mai que le Conseil d’Etat n’aura d’autre choix que de proposer.

C’est très risqué car il faudra trouver une majorité en un temps record. Les statuts n’existeront plus au 1er janvier et cette course de vitesse est malsaine. Tout le monde est prêt, sauf nous. Vaud, Bâle, le Tessin ont déjà voté. Il est insensé de faire tout ce cirque pour passer de 14% à 14,5%! C’est une politique de posture, qui ne tient aucun compte du bien-être des gens. Le train suisse ne part pas à l’heure genevoise; le train de l’OCDE n’attend pas les voyageurs indéfiniment.

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