Les défenseurs des animaux ont manifesté sans heurts à Genève
Genève
Quatre cents personnes ont défilé dans le calme samedi à Genève à l'occasion de la Journée mondiale pour la fin du spécisme

Elle est venue avec un sac à dos sur lequel on pouvait lire: «Je ne suis pas extrémiste, je suis juste extrêmement sensible.» Sa réponse à ceux pour qui les défenseurs de la cause animale seraient tous des casseurs de vitrines de boucheries-charcuteries ou de magasins de fourrure. «Ceux-là sont une infime minorité», assure-t-elle.
Parvis de la cathédrale Saint-Pierre, à Genève, samedi après-midi, 400 personnes ont répondu à l’appel de l’association Pour l’égalité animale (PEA) qui organisait une marche dans le cadre de la Journée mondiale pour la fin du spécisme. Le cortège a traversé la Vieille-Ville avant de rallier les Bains des Pâquis puis le parc des Cropettes, près de la gare Cornavin.
Aucun incident n’a été à déplorer en dépit du contexte plus tendu lors de cette quatrième édition, du fait d’actes de vandalisme perpétrés ces derniers mois à l’encontre des commerces vendant de la viande. La Boucherie du Molard a été ainsi caillassée à deux reprises. Samedi, elle est restée ouverte malgré le passage à proximité de la manifestation. Xavier, un employé, expliquait en fin de matinée: «C’est à la police d’assurer notre sécurité, pas à nous de fermer boutique.» Deux heures plus tard, un car de police était positionné devant la célèbre enseigne.
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Des familles
Les forces de l’ordre, discrètes mais très présentes, ont quadrillé le parcours. Les organisateurs avaient par ailleurs mis en place leur propre service de sécurité. «Il y a eu certes cette année une quinzaine de vitres brisées mais la violence se situe ailleurs, du côté de l’exploitation que subissent les animaux, les mauvaises conditions d’élevage et leur abattage. Chaque année en Suisse, 77 millions de vertébrés terrestres sont tués», rappelle Pia Shazar, porte-parole de PEA, qui revendique 850 adhérents. «Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme est à la race et le sexisme au sexe: une discrimination et une oppression», poursuit Pia, qui réfute toute idée de radicalisation.
Pas de manifestants encagoulés en effet samedi, mais beaucoup de familles. Public plus féminin que masculin. Aline est venue de Lausanne, seule, avec sa pancarte représentant un poussin mâle «voué à la mort comme tant d’autres». Elle raconte qu’elle fut longtemps une végétarienne polie: «Ça veut dire que, seule, je ne mangeais pas de viande, mais que j’en acceptais lors des repas de famille ou en société, pour faire plaisir à tout le monde. Et il y a trois ans de cela, j’ai mis fin à cette politesse ridicule. Je suis devenue végane et mes proches se sont adaptés. Je leur sers du faux foie gras, des salades hautes en couleur, des fromages à base de cajou.»
Aujourd’hui à Genève, nous avons participé per à la marche contre le #spécisme ✊#antispeciste #vegan #animaux pic.twitter.com/HeIFTPjyJw
— PETA France (@PETA_France) August 25, 2018
«Ni dans les labos, ni dans les frigos»
Slogan le plus repris samedi: «Ni dans les labos, ni dans les frigos, justice pour les animaux.» Le musicien Pierrick Destraz, fils d’Henri Dès, accompagne le mot d’ordre en tapant sur un tambour. Il était végétarien depuis longtemps, est devenu végane au contact de sa compagne, Virginia Markus, figure de l’antispécisme romand qui a diffusé plusieurs vidéos filmées clandestinement dans des abattoirs. On lui fait remarquer qu’il y a plus de femmes que d’hommes. «Cela s’explique sans doute par notre sensibilité et l’oppression que nous avons subie», avance-t-elle.
Happening pont de la Machine, appelé «die-in». Les marcheurs se couchent et observent un silence pesant. Puis la bande sonore d’un enregistrement effectué dans un abattoir laisse entendre les cris déchirants de veaux, moutons et porcs. Pia Shazar rappelle que beaucoup d’autres actions sont menées tout le long de l’année avec un public de plus en plus réceptif. «Nous avons déposé une lettre à l’ONU, nous voulons créer un statut juridique contre l’exploitation animale et nous intervenons de plus en plus dans les écoles à leur demande», développe-t-elle.
Une jeune fille a écrit sur du carton: «Le temps que vous lisiez cette pancarte, 7600 animaux sont morts pour la viande.» Une autre a repris une citation de Voltaire: «Qu’y a-t-il de plus repoussant que de se nourrir continuellement de chair de cadavre?» Un buffet végane attendait les marcheurs au parc des Cropettes. Dimanche, série de conférences à la Maison des associations, rue des Savoises, dont celle d’Olivier Le Bot, professeur de droit à l’Université d’Aix-Marseille, consacrée aux acteurs du droit animalier, qui investissent de plus en plus les tribunaux pour obtenir des changements dans les principes régissant les relations entre l’homme et l’animal.