Détention prolongée pour l’antispéciste incarcéré à Champ-Dollon
Justice
Soupçonné d’avoir caillassé des boucheries, le jeune militant, détenu depuis fin novembre, vient de voir sa détention préventive prolongée de deux mois. Vendredi matin, ses soutiens ont manifesté devant le Ministère public genevois

Une prolongation de deux mois. C’est ce que le Tribunal des mesures de contraintes a prononcé à l’encontre de Matthias*, militant antispéciste incarcéré en préventive à Champ-Dollon depuis fin novembre. Soupçonné d’avoir caillassé des boucheries et des fast-foods et vandalisé un abattoir au printemps 2018, le jeune homme âgé d’une vingtaine d’années n’a toujours pas été jugé. Vendredi matin, ses soutiens ont manifesté devant le Ministère public pour dénoncer une détention arbitraire.
Après un bref contrôle d’identité effectué par la police municipale, la trentaine de personnes réunies route de Chancy a pu brandir ses pancartes en soutien à la cause animale. «La durée de la détention est disproportionnée par rapport aux délits reprochés», déplore Virginia Markus, activiste indépendante. Selon elle, les pressions médiatiques et politiques autour de cette affaire poussent le Ministère public à faire de Matthias un exemple pour dissuader le mouvement d’agir.
Risque de récidive
Suspecté d’avoir participé à l’attaque de l’abattoir de Perly au cours de laquelle 7 tonnes de marchandises ont été souillées, Matthias est poursuivi pour dommages à la propriété et violation de domicile. «Depuis sa cellule, le prévenu ne se victimise pas, précise Virginia Markus. Il continue de défendre les droits des animaux, même si ses conditions de détention sont très dures. Ses convictions politiques sont considérées comme une lubie; il ne peut presque rien manger.»
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La semaine dernière, l’avocate de Matthias s’est opposée à une prolongation de la détention. Malgré le refus essuyé, elle veut voir dans la décision du Tribunal des mesures de contraintes un signal relatif à la durée de l’instruction, qui dure désormais depuis plus de six mois: «le Tribunal des mesures de contrainte n’a suivi que partiellement les recommandations du Ministère public en réduisant la durée de trois à deux mois, détaille-t-elle. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une incarcération très longue par rapport à la nature des infractions, qui se rapportent uniquement à des dommages à la propriété.»
Instruction en cours
Du côté du Ministère public, le risque de récidive est invoqué pour justifier la détention préventive. Le procureur chargé du dossier, Adrian Holloway, a commandé deux expertises à l’Institut forensique de Zurich. «J’ai reçu la première, confirme-t-il. La deuxième devrait arriver d’ici à fin juin. Ensuite, les parties auront la possibilité d’auditionner les experts. L’instruction devrait être close dans le courant de l’été.»
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Sept mois de détention: la menace d’une telle sanction parviendra-t-elle à dissuader le mouvement d’opter pour des actes de sabotage ou de désobéissance civile? «Les moyens d’action doivent être diversifiés, estime Virginia Markus. Le problème, c’est que les méthodes offensives sont beaucoup plus médiatisées que les enquêtes de fond sur les abattoirs, comme récemment à Neuchâtel ou dans un élevage de poules valaisan du groupe Migros. Sans casse, la voix des animaux est peu entendue.»
* Prénom d’emprunt