Election complémentaire genevoise: l'UDC Yves Nidegger se maintient, le vert'libéral Michel Matter abandonne
Genève
L'UDC reste en lice alors que le vert'libéral se retire, ce qui fragilise la droite. Le PLR ne présente ni ne soutient personne. Si l’Entente a vécu, un élargissement paraît compliqué à l’horizon 2023

Le premier tour à peine bouclé, tous les regards sont déjà tournés vers le 28 mars, date à laquelle les Genevois éliront leur 7e conseiller d’Etat. Face à la Verte Fabienne Fischer, victorieuse dimanche, la droite tentait encore, lundi soir, de définir une stratégie. Le très bon score de Pierre Maudet, magistrat démissionnaire et candidat à sa propre réélection, a poussé le PLR Cyril Aellen, accusant près de 9000 voix de retard, à abdiquer sur le coup. Réuni en conclave nocturne lundi, son parti a renoncé à lancer un autre candidat, et refusé en outre de soutenir l'un des postulants restants. Le Vert’libéral Michel Matter a quant à lui préféré renoncer, sans, là aussi, donner de consigne de vote pour l'heure.
L’UDC Yves Nidegger est donc celui qui reste dans la course, mettant en danger les chances de la droite. Lundi soir, l'UDC a vanté son postulant, «seul candidat de la droite au deuxième tour»: «La population genevoise attend autre chose que ce que les candidats encore en lice proposent. Yves Nidegger incarne désormais non seulement la seule alternative à la politique menée jusqu'ici et rejetée par la population, mais aussi la droite dans son ensemble», argue le parti.
La veille du premier tour, le PLR avait un rêve: tourner la page Pierre Maudet. Forte de cette illusion, l’Entente s’était remise debout, le PDC avait adoubé le candidat du parti bourgeois espérant que la recette traditionnelle fonctionnerait, malgré quelques ratés ces dernières années. Un «détail» a fait dérailler les calculs: le peuple. Près d’un électeur sur quatre (22,6% des votants) a soutenu Pierre Maudet. Plus déterminé que jamais, ce dernier compte bien se maintenir, tout comme la favorite Fabienne Fischer, qui bénéficiera du soutien du candidat de l'extrême gauche Morten Gisselbaeck, qui ne se représente pas.
Barrer la route à la gauche
Après la sidération, c’est la confusion au PLR. Même si la direction ne le souhaite pas, certains voudraient voir Cyril Aellen revenir sur sa décision. Le piège s’est en effet refermé sur le PLR: laisser le champ libre à Pierre Maudet ou faire l’élection de la Verte Fabienne Fischer. Une alliance avec l’UDC d’Yves Nidegger ne semble pas non plus une option envisageable. Après avoir déclaré forfait, cela reviendrait à mettre un deuxième genou à terre. Partant, le parti bourgeois se trouve face à ce dilemme impossible: «Si tous les partis de droite se désistent, alors on doit être prêt à envisager l’élection de Pierre Maudet, et admettre que l’essentiel est de faire barrage à la gauche», analyse un député PLR.
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A ce stade, tout reste encore flou. Dans un contexte de triangulaire entre Fabienne Fischer, Pierre Maudet et Yves Nidegger, la gauche a de bonnes chances de l'emporter face aux divisions de la droite. Si le second tour met aux prises Pierre Maudet et la Verte Fabienne Fischer, cela n’arrangera pas non plus les affaires du PDC qui voit son allié et concurrent vert’libéral progresser. «Dans ce cas, plus aucun candidat ne représentera notre projet de société», affirme la présidente du PDC Genève, Delphine Bachmann. On la voit venir: «Soit on laisse la liberté de vote au second tour, soit on présente une candidature.» La sienne? «Il faudra voir la tendance à l’assemblée générale, on réfléchit», répond la députée au Grand Conseil. Un pari risqué qui pourrait conduire certains de ses électeurs à privilégier Pierre Maudet, potentiellement mieux armé pour empêcher l’accession au trône de Fabienne Fischer qu’une candidature de dernière minute. La question du vote utile se pose aussi chez les socialistes, qui ne sont pas tous emballés par la Verte. De plus, son élection entérinerait deux sièges verts au Conseil d’Etat, alors que la socialiste Anne Emery-Torracinta ne se représentera pas en 2023 et que son camarade Thierry Apothéloz n’apparaît pas comme un leader incontestable. Quoi qu’il en soit, et surtout à droite, le duel Maudet-Fischer revient à choisir entre la peste et le choléra.
Une droite majoritaire mais morcelée
Lundi après-midi, les consultations avaient tout d’un tournoi de jeu d’échecs avant l'heure, chacun observant la concurrence, la stratégie de l’un influençant celle des autres. Quelles que soient les dispositions prises, reste la question d’une droite divisée qui ne fait plus recette et doit se reconfigurer en prévision des élections de 2023. Les chiffres sont paradoxaux: dimanche, la gauche a fait 35% des voix, les partis de droite et du centre totalisent, eux, plus de 60% des voix. Pourtant, la droite est en miettes, chaque parti jouant sa partition. «C’est incroyable de voir à Genève une droite majoritaire mais tellement morcelée qu’elle perd toutes les élections», fulmine Yvan Zweifel, chef de groupe PLR au Grand Conseil.
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Que faire alors? Si le PLR admet que le glas a sonné pour l’Entente, reste à s’élargir vers les Verts’libéraux et, «dans un monde idéal, vers l’UDC, c’est-à-dire vers toute la droite», ajoute Yvan Zweifel, comme c’est le cas dans les cantons de Vaud ou Fribourg. Sauf qu’à Genève, les Verts’libéraux se construisent contre le PLR et sont plus enclins à s’acoquiner avec le PDC, comme lors des dernières élections municipales: «Une alliance avec le PDC n’est pas contre nature, affirme la présidente de la section genevoise Marie-Claude Sawerschel. Le PLR n’a pas eu jusqu’ici beaucoup de considération pour les Verts’libéraux, qu’il considérait au mieux comme les petits porteurs d’eau.» L’objectif affiché du parti, sans aucune force au Grand Conseil mais porté par la locomotive Matter, a toujours été de viser 2023. Pour lui, cette élection complémentaire est un tour de chauffe. «Notre vocation n’est pas de tenter d’éteindre l’incendie et de nous brûler les ailes», poursuit Marie-Claude Sawerschel à propos du retrait de Michel Matter. Sans un PLR apaisé, l’union de la droite genevoise n’est pas pour demain.
«Un discours axé sur l'honnêteté»
Face aux hésitations de la droite, l'Alternative entend faire bloc avec l'extrême gauche. Il faut dire que l'enjeu est de taille: la victoire de Fabienne Fischer ferait basculer le Conseil d'Etat à gauche, pour la deuxième fois seulement dans l'histoire du canton. Pour remporter le siège, la présidente des Verts genevois Delphine Klopfenstein Broggini, compte sur le réservoir de voix à gauche, mais pas seulement.
«Au-delà du clivage partisan, Fabienne Fischer porte un discours axé sur l'honnêteté, l'intégrité et le respect des institutions, souligne-t-elle. Des valeurs que nous défendons au quotidien, mais qui peuvent séduire dans d'autres camps politiques.» Après un premier tour de chauffe, la gauche mise ainsi sur le centre, mais aussi sur l'atout femme pour consolider son avance. Quelque 38 000 voix au premier tour, le score de Fabienne Fischer a pu paraître décevant. «Je ne suis pas d'accord, réfute Delphine Klopfenstein Broggini. Ce résultat est très bon, on voulait qu'elle soit en tête, l'objectif a été atteint. Qui plus est avec un score similaire à celui d'Antonio Hodgers en 2018.» Face à un candidat déclaré coupable par la justice, Fabienne Fischer incarne, selon elle, la promesse d'une sortie de crise apaisée.