Lourdement touchés par le Covid-19 au printemps dernier, les établissements médico-sociaux (EMS) romands sont sur le pied de guerre pour affronter la seconde vague. Avec la forte augmentation des cas et l’apparition des premiers clusters, l’enjeu pour les directions d’établissement est double: éviter une surmortalité chez les personnes âgées, particulièrement vulnérables face au virus, mais aussi lutter contre les dégâts collatéraux que peut provoquer un isolement prolongé sur la santé psychique des résidents. Un aspect prédominant par rapport à la première vague.

Mieux organisés, mieux informés, les EMS se disent désormais prêts à faire face à une flambée des cas. Protocoles spéciaux pour les visites, stockage de matériel (masques et gel hydroalcoolique), tests dès l’apparition des premiers symptômes, isolement des résidents contaminés et quarantaine obligatoire pour toute nouvelle admission: les cantons rivalisent de précautions pour éviter de voir le douloureux scénario de la première vague se reproduire. Dans le canton de Vaud, par exemple, plus de 60% des décès ont eu lieu en EMS, idem dans le canton de Neuchâtel. Genève suit avec 43%. Des chiffres qui s’expliquent par l’âge avancé des résidents, présentant souvent des comorbidités, mais pas seulement. De part et d’autre, des critiques se sont élevées pour dénoncer des manquements, confinement tardif ou mesures sanitaires insuffisantes, qui ont conduit à des décès en cascade.

Retrouvez nos principaux articles sur la crise du covid

«Augmentation significative» des cas

Dans le canton du Valais, où 14 établissements sur 51 sont désormais touchés, et quelque 155 résidents contaminés, le plan de bataille est lancé. Depuis mercredi, les visites sont interdites. Quant aux activités, restreintes, elles ne sont autorisées qu’avec le port du masque et les mesures de distanciation. «Dès qu’un cas de Covid-19 se déclare, le résident est immédiatement placé en isolement, détaille Arnaud Schaller, directeur de l’Association valaisanne des EMS. On effectue ensuite un traçage pour identifier les personnes qui ont pu être en contact avec lui et effectuer les tests nécessaires.» Avec cette stratégie, le canton espère maîtriser «l’augmentation significative» des cas mais l’inquiétude grandit.

Lire aussi: La majorité des morts vaudois vivaient en EMS

«Les EMS sont le reflet de la population, estime Arnaud Schaller. La lassitude ressentie de part et d’autre est aussi présente ici.» Cet été, les mesures sanitaires ont parfois été difficiles à imposer pour les familles, raconte-t-il. «Beaucoup pensaient que le virus avait disparu, enlevaient leur masque et se faisaient la bise une fois à l’intérieur.» Autre préoccupation: éviter une «hécatombe» au sein du personnel. Mercredi plus d’une centaine de collaborateurs contaminés manquaient déjà à l’appel.

Eviter les syndromes de glissement

La fermeture complète est-elle la solution? Attention au remède qui se révèle pire que le mal: d’abord appliquée dans le domaine de l’économie, la mise en garde résonne désormais pour celui des EMS. Dans le canton de Neuchâtel, placé en vigilance orange depuis samedi, Fabienne Wyss Kubler, secrétaire générale de l’Association neuchâteloise des établissements et maisons pour personnes âgées, évoque les conséquences perverses d’un confinement total. «Notre objectif est bien sûr de préserver la santé des résidents, mais aussi de faire en sorte, dans la mesure du possible, que la vie continue, souligne-t-elle. La santé mentale est aussi précieuse que la santé physique. Certains résidents nous disent: «Je préfère mourir du covid que ne plus voir ma fille pendant un an…»

Dès lors, selon les circonstances, même les personnes contaminées doivent selon elle pouvoir conserver un lien avec leurs proches, en «prenant toutes les précautions nécessaires», pour éviter notamment les syndromes de glissement, autrement dit lorsqu’une personne âgée se laisse mourir. Dans le canton, 39 résidents d’EMS ont été testés positifs dans 8 établissements.

En Valais, le gouvernement interdit à nouveau les visites dans les EMS: Traitement de choc en Valais pour contrer l’épidémie

Les EMS genevois relativement épargnés

Alors que le canton de Genève enregistre une forte hausse des contaminations, le secteur des EMS est lui aussi en alerte. Au total, 8 établissements sur 54 ont été touchés depuis début octobre, ce qui représente 40 résidents contaminés sur 4125 lits. Au total, 7 décès ont eu lieu depuis deux semaines. La task force EMS, jamais dissoute depuis le début de la pandémie, continue d’affiner ses plans de protection avec le service du médecin cantonal. Isolement des résidents contaminés dans leur chambre, et s’il y a beaucoup de cas sur un même étage, confinement de l’unité et restriction des visites entre autres.

«Nous avons par ailleurs constaté que la maladie pénètre dans les homes le plus souvent à travers le personnel et non pas la famille, relève Laurent Mauler, directeur du service du réseau de soins du Département de la santé au sein de la task force EMS. C’est pourquoi nous avons renforcé les gestes barrières et notamment l’hygiène des mains.»

Quid d’une éventuelle pénurie de personnel? «Nous y sommes préparés, répond-il. Il est notamment prévu que les collaborateurs asymptomatiques puissent continuer à travailler avec toutes les précautions nécessaires.» Alors qu’on évoque partout une fatigue croissante chez le personnel, le taux d’absentéisme à Genève s’élève à 1,7%.