Eric Stauffer dégoupille sa grenade anti-Mauro Poggia
Santé
Le fondateur de Genève en marche lance une initiative constitutionnelle offrant aux résidents genevois la gratuité des primes maladie. Il accuse son ex-colistier d’inaction

Eric Stauffer, ancien président du MCG et fondateur de Genève en marche, son nouveau parti, a déposé ce lundi une initiative populaire cantonale constitutionnelle pour s’attaquer au niveau des primes maladie à Genève. Sa solution lui ressemble: elle est radicale. Selon le texte que nous avons pu consulter, le canton doit se doter d'«une caisse d’assurance maladie et accidents au sens du droit fédéral, ayant pour mission de garantir aux personnes domiciliées dans le canton une couverture de soins complète et gratuite».
Des soins gratuits, comme en France? «Non, répond l’ancien magistrat d’Onex, qui s’est fait connaître avec ses slogans anti-frontaliers. Cette exonération ne signifie pas que l’on rase gratis. L’impôt financera ces prestations et l’Etat devra inscrire la somme nécessaire au budget. De toute façon, on la paie déjà! Simplement, avec ma proposition, cet impôt sera équitable et non aveugle comme aujourd’hui.»
«L’Etat aura le contrôle des coûts»
Selon les services du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS), les Genevois dépensent aujourd’hui 1948 millions de francs en primes d’assurance maladie. Le pari d’Eric Stauffer est que l’augmentation des prélèvements obligatoires que provoquera sa caisse cantonale aboutira à une somme inférieure. Selon le député, la santé engloutit aujourd’hui en moyenne près de 14% du revenu des Genevois.
Sa solution, continue-t-il, réglera le problème des réserves que les caisses constituent «et dont on ne sait pas où elles finissent». Autre avantage supposé: l’Etat «aura le contrôle des coûts réels de la santé et pourra calculer les primes au plus juste». Enfin, ce sera «la fin des commandements de payer», assure Eric Stauffer. En 2016, le canton a dépensé 40 millions de francs pour couvrir des actes de défaut de biens délivrés contre des contribuables, comme le lui impose la loi fédérale, et 340 millions de francs en subsides.
La réplique de Mauro Poggia
«Ma volonté, conclut Eric Stauffer, est de retirer des épaules des Genevois ce fardeau que sont devenues les primes d’assurance maladie.» «C’est surtout pour faire parler de lui», rétorque Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du DEAS, qui juge «farfelu» le texte présenté par son ex-camarade de parti.
Selon le ministre, créer une caisse publique gratuite au milieu des structures privées, «c’est mettre un dauphin au milieu des requins. Ses coûts, et donc ceux du canton, vont exploser. Par ailleurs, les privés vont demander une égalité de traitement. Genève va regorger de caisses qui lui adresseront leurs factures.» En termes de responsabilisation des patients, enfin, cette logique va dans le sens inverse des efforts qui sont demandés et qui brident les coûts, assure le magistrat.
«Au Grand Conseil, Eric Stauffer fustige la gauche chaque fois qu’elle propose des hausses d’impôts, rappelle Mauro Poggia. Or, c’est exactement ce à quoi aboutirait son projet.»
«Mauro Poggia a oublié de faire de la politique»
Avec cette annonce, l’ancien magistrat d’Onex s’essaie au billard à plusieurs bandes: marquer son entrée dans la campagne pour les élections cantonales du printemps 2018 et s’en prendre directement à Mauro Poggia, l’homme avec lequel il avait fait campagne en 2013, sous la bannière MCG qui les réunissait alors. L’accession de l’avocat au Conseil d’Etat, aboutissement du projet politique qu’Eric Stauffer avait mis tant d’énergie à porter, avait eu un goût amer pour l’homme fort du MCG. «Je me suis sacrifié pour Poggia. Je fondais beaucoup d’espoirs en lui, reconnaît-il. Mais il a fait du juridisme, comme ses prédécesseurs. Il a oublié de faire de la politique et n’a rien réglé du tout. Plus jamais je ne voterai pour un avocat.»
Pour sa défense, le conseiller d’Etat rappelle qu’il a lancé deux initiatives populaires, dont une sur la création de caisses cantonales, avec Pierre-Yves Maillard, son équivalent vaudois. «La récolte de signatures se passe bien. Sur les marchés, nous n’avons pas besoin de beaucoup argumenter. Les gens signent rapidement. Samedi prochain, Pierre-Yves Maillard et moi allons la présenter au PBD, qui s’est montré intéressé.»