Genève
Après avoir infléchi sa ligne dure à l’égard des fonctionnaires à l’automne 2016, le PLR annonce une série d’interventions au Grand Conseil. Une première motion plaide pour la fin de la culture du contrôle dans l’administration et le débroussaillage de la jungle des directives

Après les grandes déclarations, les libéraux-radicaux genevois passent à l’action. Déposée vendredi au Grand Conseil, une première motion vient concrétiser l’infléchissement annoncé de la ligne du parti à l’égard des fonctionnaires. Dans une prise de position adoptée en septembre dernier, le PLR jugeait s’être trop longtemps braqué sur des questions de principe comme le statut de fonctionnaire. Déterminé à casser son image anti-fonction publique, le parti appelait à une «culture de la confiance et de la responsabilité» au sein de l’Etat, dans l’intérêt même des fonctionnaires.
«Place à la flexibilité, à l’efficacité»
«Nous allons lancer toute une série d’interventions qui font écho à cette prise de position, explique Alexandre de Senarclens, président du parti et initiateur de cet aggorniamento. Nous restons persuadés que l’Etat doit maigrir. Mais finie l’obsession du statut, ou le fantasme du salaire au mérite. Place à la flexibilité, à l’efficacité.»
Concrètement, la motion… n’est pas très concrète. Elle invite le Conseil d’Etat à «élaborer une véritable politique de gestion des ressources humaines, basée sur la confiance et la responsabilité, ainsi que sur les objectifs et les résultats». Et demande au chef de chaque département d’en faire une priorité, en prenant «notamment» deux mesures: la «suppression des rapports, formulaires et autres procès-verbaux à vocation strictement interne […]» et l’élaboration d’un «plan d’action visant à la suppression de toutes les directives non indispensables à l’accomplissement des missions essentielles de l’Etat […]».
Impressionniste
Déclaratoire, voire incantatoire, cette première motion ne ressemble-t-elle pas un peu à ce que le PLR veut supprimer par ailleurs, à savoir la «boulimie législative» du Grand Conseil? «Non!, répond Alexandre de Senarclens. Les fonctionnaires nous le disent: ils vivent dans des carcans. Il y aurait 214 directives au Département de l’instruction publique! Les fonctionnaires ne peuvent pas toutes les connaître, mais on leur tombe dessus s’ils ne les appliquent pas, ils étouffent, c’est un cercle infernal.»
Le député est conscient que cette première motion est un peu impressionniste, mais il l’assume: «Si ce premier texte est adopté, il faudra un vrai leadership du Conseil d’Etat pour qu’il soit appliqué. Il faudra donner les bonnes impulsions aux hauts fonctionnaires. C’est essentiel si l’on veut engager ce processus.» Et puis, rappelle-t-il, d’autres propositions suivront, plus tangibles. Exemple: la possibilité de licencier un fonctionnaire pour «insuffisance de prestations» sur simple accord de deux supérieurs hiérarchiques.
«Je les connais trop pour ne pas me méfier»
Visant à apaiser les esprits et à adoucir l’image du PLR dans la fonction publique – année électorale oblige –, son projet est accueilli avec une certaine circonspection par Marc Simeth, président du Cartel intersyndical de la fonction publique: «Je peux les suivre sur la fin de la culture du contrôle, ou le fait de laisser plus d’autonomie aux fonctionnaires. Mais je connais trop le PLR pour ne pas me méfier. On les attend sur des questions essentielles pour nous, comme Score [le projet de réforme de la grille salariale de la fonction publique] ou la recapitalisation de la Caisse de pension. Nous verrons quelles sont leurs véritables intentions. Je reste prudent.»
Président de l’Union des cadres de l’Administration genevoise, Jacques Folly est plus enthousiaste: «Je souscris à ce qui cible la bureaucratie interne, si ça peut permettre au manager de se concentrer sur ses tâches essentielles. Je souscris aussi à l’idée de se rapprocher du management du secteur privé. Je suis plus sceptique sur les licenciements facilités, parce que je pense que les moyens actuels de licencier fonctionnent.»
Le PLR devra convaincre une large majorité. Et ce n’est pas chose faite, à entendre le député socialiste Christian Dandrès: «Il y a indéniablement un geste politique de la part du PLR, après des discours très durs. Ils savent qu’ils doivent se rabibocher avec la fonction publique, parce qu’ils sentent la grogne. Remplacer la culture du contrôle par celle de la confiance, très bien. Mais attention aux licenciements. Si la loi est appliquée correctement, ce ne pas si compliqué de licencier un fonctionnaire. La personne doit simplement être entendue. Quant aux directives, ne confondons pas les pratiques administratives, essentielles pour les administrés, et les directives, dont il vaut effectivement parfois la peine de questionner la pertinence.»