A la gare Cornavin, le futur appartient aux piétons
Genève
Avec l’extension souterraine de la gare, les espaces alentour seront réaménagés par les soins d’un architecte espagnol, lauréat du concours. Son projet est tourné vers la mobilité douce, les voitures ne pourront plus traverser l’esplanade devant le bâtiment

D’ici à 2031, la gare Cornavin, à Genève, pourrait passer du trou noir actuel, absorbant et congestionné, à un poumon. Un poumon qui fera la part belle aux piétons. C’est à un architecte de Séville, en Espagne, Guillermo Vazquez Consuegra, associé au bureau Frei Rezakhanlou architectes à Lausanne et à la société bernoise d’ingénierie Emch + Berger, que reviendra la charge de cette métamorphose. Il est le lauréat d’un concours organisé pour réaménager les espaces alentour dans la perspective de l’extension souterraine de la gare. Présenté hier à la presse par le canton et la ville, ce projet se veut une respiration: «C’est un hub urbain emblématique qui simplifie et unit, un système poreux qui intègre et ne dissocie pas», résume Eric Frei, du bureau lausannois. Le chantier devrait démarrer en 2024.
Ce concept s’inscrit dans l’esprit de la nouvelle loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, plébiscitée en juin 2016 par les Genevois, rappelle le conseiller d’Etat PDC Luc Barthassat, qui poursuit: «La gare arrive à saturation, et les choses ne vont pas s’améliorer avec la mise en service du Léman Express fin 2019. On va passer de 100 000 à 200 000 voyageurs par jour à Cornavin d’ici à 2030.»
«Une réflexion de mutation de Genève»
Il y a quelques années, pour satisfaire le projet d’un RER cadencé au quart d’heure entre Genève et Lausanne, les CFF souhaitaient une extension aérienne. Mais celle-ci aurait signé la destruction d’une partie du quartier des Grottes. Face au tollé, les CFF se rallient alors à la variante souterraine. Elle coûtera près de 1,7 milliard de francs, répartis comme suit: 1,2 milliard de francs à charge des CFF, 400 millions pour le canton et 100 millions pour la ville. C’est sans compter les aménagements extérieurs, «dont on ne connaît pas encore le coût», admet Rémy Pagani, maire de Genève d’Ensemble à gauche. Lequel en profite pour tacler ses prédécesseurs: «Ce projet s’inscrit dans une réflexion de mutation de Genève, entre la gare Cornavin et celle des Eaux-Vives. C’est ce qu’il aurait fallu faire dès le départ!»
Que réserve donc ce projet? Premier changement de taille: les voitures, au contraire des trams, ne pourront plus transiter devant la gare et seront forcées de passer par le quai du Mont-Blanc ou derrière la gare, hormis celles qui feront escale au parking de Cornavin. «Cela ne devrait pas poser de problème puisqu’on fluidifiera les quais grâce à l’onde verte», explique Luc Barthassat. Et les taxis? La principale station sera enterrée, tout comme le dépose-minute, le secteur livraisons et un parking pour 1200 vélos. Au total, l’ensemble accueillera quatre gares de vélos et motos. Fini donc les bouchons aux heures de pointe, la difficile cohabitation entre piétons, cyclistes, automobilistes, taxis, trams et bus.
Une galerie de 400 mètres en verre
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les architectes n’ont pas eu peur du vide. Bien au contraire, puisque l’esplanade devant la gare sera une vacance assumée, couverte partiellement par une marquise. Autour de la basilique Notre-Dame de Genève, un îlot de verdure. Côté Monbrillant, le bâtiment de la gare se parera d’une galerie couverte de 400 mètres de long, en verre, avec, à ses deux extrémités, des espaces publics. Exit les voitures, hormis une station de taxis. L’occasion de réhabiliter ce côté pile, jusqu’ici parent déshérité. Un nouveau passage reliera la Servette à Monbrillant, un autre reliera la galerie Metro Shopping, réorganisée, avec le premier niveau de la gare souterraine. «Cela permettra à la ville d’entrer dans la gare», explique Eric Frei. Plusieurs arrêts de bus seront supprimés pour en garder trois.
Ce projet enthousiasme Thomas Wenger, membre de l’Association transports et environnement (ATE) et député socialiste au Grand Conseil: «On passe du non-choix actuel à un véritable choix privilégiant les transports publics et la mobilité douce, ce qui est en parfaite cohérence avec la loi adoptée. C’est un beau projet courageux qui permettra la convivialité autour de la gare Cornavin.» Le TCS ne sera sans doute pas de cet avis. Contacté, le président de la section genevoise, François Membrez, déclare: «Nous allons étudier le projet en profondeur. Mais nous pouvons d'ores et déjà dire que nous ne voulons pas que les accès au parking de Cornavin soient rendus plus difficiles.»