Genève cherche douaniers désespérément
Emploi
Le canton a de la peine à recruter et surtout à fidéliser les employés. En cause: des salaires peu concurrentiels au bout du Lac et des jeunes peu motivés ou qui ne donnent pas satisfaction pendant la formation

Devenir garde-frontière ne fait manifestement pas rêver. C’est l’amer constat des douanes genevoises, qui s’inquiètent d’un manque d’effectifs. Non pas qu’elles soient corsetées par Berne – le Conseil national a décidé en décembre dernier de ne pas baisser les effectifs douaniers au-dessous du chiffre qui prévalait en 2003 – mais bien parce qu’elles ne parviennent pas à persuader les candidats de venir rejoindre ses rangs et surtout d’y rester. Alors qu’elles ont droit à 355 postes, elles n’en pourvoient à l’heure actuelle que 313.
«Cette situation est une véritable source d’inquiétude, atteste Olivier Botteron, commandant de la région gardes-frontière de Genève. Car vu le travail à effectuer, ces postes sont nécessaires. C’est frustrant de savoir que Berne nous alloue ces ressources mais que nous n’arrivons pas à les utiliser.» Olivier Botteron disposait en ce début d’année d’un budget pour engager 32 personnes, il n’en a trouvé que 26. Et en 2015, 18 personnes ont donné leur démission, soit parce qu’elles n’appréciaient pas le métier, soit parce qu’elles n’ont pas donné satisfaction pendant leur formation d’aspirant.
Les douanes payent moins que la police
Pourquoi donc les jeunes genevois boudent-ils davantage la frontière que les autres Suisses? Une première explication tient au fait que ce métier n’est pas très concurrentiel au bout du Lac. Les douanes ne peuvent pas rivaliser en termes salariaux avec les polices, cantonale et municipale, et les sociétés de sécurité privée. «Et puis notre bassin de population n’est pas énorme et notre économie va bien», complète le commandant. Concrètement, les gardes-frontière gagnent entre 58 000,00 francs par an (pour les débutants) à 98 000 en fin de carrière. A quoi il faut ajouter l’allocation liée au marché de l’emploi (1500 francs par an), laquelle a été divisée par deux, l’indemnité de résidence, soit 450 francs par mois à Genève, ainsi que les heures supplémentaires (entre 600 et 800 francs par mois). Et l’an dernier, la Confédération a réévalué l’ensemble des classes de traitement, octroyant aux salaires de départ deux classes supplémentaires.
Mais dans le même temps, des mesures d’austérité ont fâché: alors que la progression salariale annuelle était de 3%, elle a passé à 1%. Et les logements de fonction ont été indexés, il y a deux ans, au prix réel du marché, alors qu’auparavant les loyers étaient volontairement sous-évalués. Ce qui a provoqué un manque à gagner entre 300 et 450 francs par mois par salarié logé. Le syndicat des gardes-frontières GaraNto a fait recours et a perdu au Tribunal fédéral.
Lacunes en français et en calcul chez les aspirants
Mais les conditions salariales et la suppression des avantages ne sauraient tout expliquer. «La jeune génération n’est pas prête aux horaires irréguliers, constate Olivier Botteron. Et certains sous-estiment le niveau d’exigence de notre formation. On relève de nombreuses lacunes, en français et en calcul notamment.» C’est sans compter le côté volage de la génération Y, «encline à butiner d’un job à l’autre, ce qui explique aussi notre problème de fidélisation», ajoute Michel Bachar.
Pour autant, Olivier Botteron tente d’agir sur les paramètres qu’il maîtrise: publicité dans journaux et à la radio, une journée portes ouvertes en perspective. «Faudrait-il ouvrir le bassin de recrutement à d’autres cantons romands?», s’interroge-t-il. Il a aussi décidé de proposer d’autres tâches au personnel actuellement affecté aux guérites de l’aéroport, un travail jugé peu enrichissant. Des tentatives qu’il espère suffisantes pour convaincre les jeunes d’embrasser le métier et d’y rester. Pour autant que Berne ne vienne pas, dans l’intervalle, lui serrer la bride.