Après plusieurs semaines d’accalmie, la pandémie de Covid-19 repart à la hausse à Genève, qui abrite désormais environ un tiers des cas au niveau suisse. La situation sur le front des boîtes de nuit, bars et autres lieux festifs inquiète particulièrement les autorités. Depuis la semaine dernière, trois établissements, identifiés comme des foyers, ont dû fermer leurs portes à la suite de contaminations en chaîne, y compris au sein du personnel. 

Mardi, le canton a enregistré 49 nouveaux cas de Covid-19, contre 56 la veille. Quelque 1500 personnes sont par ailleurs en quarantaine, dont la moitié provenant de pays à risque, l’autre moitié ayant été en contact avec une personne contaminée. Touchant majoritairement des jeunes, les nouveaux cas n’aboutissent que rarement à des hospitalisations. Jeudi, seuls 14 patients étaient hospitalisés aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), dont deux aux soins intermédiaires et un aux soins intensifs. Le dernier décès aux HUG remonte au 10 juin.

Contrôles réguliers

La situation genevoise n’est pas unique. A Fribourg, 240 personnes sont en quarantaine après la découverte d’un cas positif préoccupant. La personne infectée a fréquenté trois bars et clubs dans le district de la Sarine, dont l’un ne respectait pas les consignes sanitaires, les jours précédant les résultats du test. D’emblée considérés comme des lieux à risque, les établissements nocturnes sont plus que jamais sous pression. A Berne, le club Kapitel Bollwerk a été fermé samedi dernier sur ordre du médecin cantonal après plusieurs contaminations. 305 personnes ayant fréquenté l’établissement ont également été placées en quarantaine. Alors que les cantons avancent en ordre dispersé, une reprise en main coordonnée au niveau fédéral semble peu probable. Interrogé jeudi à ce sujet, le directeur de l'OFSP a réaffirmé que la responsabilité d'une éventuelle fermeture incombait aux cantons.

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Face à la multiplication des cas, les autorités genevoises réagissent. Depuis vendredi dernier, le port du masque est obligatoire pour le personnel dans les bars, restaurants et boîtes de nuit. Mais comment faire respecter les distances sociales dans des lieux où la proximité physique est de mise et, surtout, comment s’assurer que l’identité des clients soit relevée? «Des contrôles réguliers sont menés dans les bars et clubs pour faire appliquer les directives sanitaires sous peine d’amende, souligne le conseiller d’Etat Mauro Poggia, chef du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé, qui confie suivre l’évolution des statistiques de très près. Dans leur grande majorité, les établissements collaborent.» Quant au port du masque pour les clients, la solution lui paraît illusoire. «Mettre un masque et l’enlever toutes les cinq minutes n’a pas de sens, chacun doit être responsable, éviter les prises de risque inutiles et respecter les règles d’hygiène.»

Fermeture en dernier recours

Malgré les critiques, le ministre n’envisage une fermeture complète des établissements festifs qu’en dernier recours si les chiffres ne fléchissent pas: «Cela risquerait de reporter le problème, estime Mauro Poggia. Des soirées sauvages risqueraient de se former dans les parcs ou aux abords du lac, y compris au-delà de la frontière, rendant impossible tout suivi.» La priorité selon lui: intensifier les tests. «Dans le milieu de la restauration, le personnel est souvent engagé à la saison et peut renoncer à se faire tester en cas de symptômes légers, de peur de perdre son emploi. Il faut à tout prix éviter ce réflexe.» Autre possibilité: baisser la limite de personnes autorisées dans les clubs, aujourd’hui fixée à 300 clients. 

Sensibiliser les jeunes

Sensibiliser les jeunes aux dangers du virus, l’épidémiologiste Didier Pittet en a fait sa mission depuis le début de la crise. L’évolution de ces derniers jours ne l’étonne pas. «Le virus continue à circuler et les lieux où l’on transpire, chante ou s’embrasse favorisent les contaminations, c’est une évidence, souligne le médecin. Problème: les jeunes sont souvent très peu symptomatiques, ils ne se sentent pas malades et continuent à vivre leur vie normalement au lieu d’aller tout de suite se faire tester. Toucher ce public reste très difficile.»

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Pas de quoi dramatiser toutefois. «Au-delà du nombre de cas, ce sont les chaînes de transmission incontrôlables qui doivent nous inquiéter, avance Didier Pittet. Tant qu’on arrive à remonter le fil et à savoir qui a été en contact avec une personne infectée, la pandémie reste maîtrisée.» Si les cas venaient à augmenter de manière exponentielle, médecins et scientifiques tireraient la sonnette d’alarme, affirme encore celui qui insiste sur l’importance des gestes barrières. «Porter un masque n’exempte pas du lavage des mains.»