«Une guerre des tranchées»
Le sentiment, à droite, c’est que le ministre a voulu court-circuiter les travaux parlementaires en promulguant cet arrêté. Pas moins de cinq motions ont en effet été déposées, certaines demandant de surseoir à la mesure tant que les conséquences n’auront pas été entièrement analysées. «Alors que les auditions sont bien avancées et que le parlement devrait être à bout touchant en novembre, voilà que le département nous balance cela sans crier gare, réagit le député Alexandre de Senarclens, à l’origine de deux motions. Cela va provoquer une guerre des tranchées alors que certaines positions étaient assez proches pour imaginer un accord.»
Le PLR l’assure: de son côté, il ne s’agit pas d’un coup de gueule pro-bagnoles, mais contre «un coup de force institutionnel». «Nous ne sommes pas opposés au principe, mais il faut voir si cette mesure n’empêche pas la fluidité du trafic. En outre, elle pénalisera les TPG, raison pour laquelle les entreprises de transports publics s’y opposent ailleurs en Suisse», poursuit Bertrand Reich.
Pour l’UDC, ouvertement pro-voitures, cette façon de faire n’est qu’une preuve supplémentaire de la «politique punitive et autoritaire de gauche»: «Cela fait quinze ans qu’on aurait pu prendre d’autres mesures comme la pose massive de phonoabsorbant, la fluidité des feux de circulation ou la traversée de la Rade, estime Michael Andersen, candidat au Conseil d'Etat. On se demande d’ailleurs si Serge Dal Busco dirige encore son département ou le laisse aux ayatollahs de son administration.»
Large consultation des communes et des associations
Sourd à ces critiques, le département explique que sa stratégie de diminution de la vitesse pour lutter contre le bruit, qui découle de la mise en œuvre de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée votée en 2016, a fait l’objet d’une large consultation des communes, des organisations actives dans le domaine et des associations, en 2021. Sur la forme, il rappelle que la publication de l’arrêté, un acte administratif sujet à recours, a été annoncée il y a plusieurs mois et est de sa compétence. Il regrette aussi de voir le processus retardé à cause de ces intentions de recourir.
Si la droite pleure, la gauche sourit, même si elle aurait souhaité que l’Etat aille plus loin. Une motion des Verts réclame d’ailleurs que certaines zones passent à 30 km/h de jour comme de nuit, comme le pont du Mont-Blanc. «Le projet actuel a le mérite d’être positif en termes de réduction de bruit, de qualité de vie et de santé publique, et il coûte moins cher que le phonoabsorbant», se félicite la députée écologiste Marjorie de Chastonay. Comme les autres motions, celle de son parti attendra, ce qui ne lui pose pas de problème: «Le Grand Conseil est surchargé, on n’arrive même pas à traiter les urgences. Il n’y a donc pas de raison d’attendre, d’autant que l’urgence climatique, elle, n’attend pas.»
Très critiqué à droite, hormis le Centre qui soutient son ministre, Serge Dal Busco fait le bonheur de la gauche. Durant la crise sanitaire, il avait aménagé à la hâte des pistes cyclables, enflammant le débat. Mais un recours du TCS allait l’obliger à revoir sa copie, le tribunal ayant reconnu un problème de disproportion sur deux axes principaux. L’Etat a fait recours. On imagine bien le 30 km/h généralisé se retrouver dans la même configuration.