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Projet pédagogique trop flou
Ceux qui passent à la trappe coûtaient 22 millions de francs et auraient permis d’équiper l’école primaire et le cycle d’orientation de tablettes ainsi que de wi-fi dans ce dernier. L’objectif était d’enseigner les fondements de l’informatique, les bases du codage et de la programmation, et de favoriser les travaux d’équipe. Mais ces projets ont fait l’unanimité contre eux. Car la manière de procéder a crispé tout le monde, le Département de l’instruction publique (DIP) donnant l’impression d’avoir tricoté les choses à l’envers.
Les syndicats d’enseignants d’abord, qui sont montés au créneau, n’ayant pas été suffisamment associés. Ils pointaient aussi un projet pédagogique trop flou. La commission des travaux du Grand Conseil ensuite, qui a, elle, planté un clou décisif dans le cercueil du numérique à l’école en préavisant défavorablement les projets, à une large majorité. Lors des auditions, les députés ont acquis la conviction que le projet était mal ficelé, la cible peu définie. Quoi qu’il en soit, il aurait été compliqué, pour Anne Emery-Torracinta, d’affronter la plénière avec si peu d’enthousiastes à ses côtés.
Pour autant, elle ne lâche pas l’affaire et promet donc une nouvelle version numérique pour l’école obligatoire dans les mois qui viennent. On imagine que le DIP ne fera pas la même erreur et remettra cette fois les choses dans le bon ordre: les objectifs pédagogiques d’abord, les outils ensuite, les seconds étant logiquement au service des premiers.
«La énième reculade du gouvernement»
Pour Jean Romain, rapporteur de la commission des travaux pour ces deux projets de loi, ce cafouillage du Conseil d’Etat est très inquiétant: «C’est la énième reculade du gouvernement, après celui sur le Message culture ou encore sur Score [ndlr: la réforme de la grille salariale de la fonction publique]. Le gouvernement rétropédale sans cesse, ce qui montre l’immaturité des projets qui nous sont présentés. On ne peut pas gouverner sans direction, Genève a besoin de projets mûrs, pensés, pour lesquels on a consulté les personnes concernées.»
Lorsque, il y a dix jours, le DIP a pris la claque en commission, il craignait qu’un mauvais sort à ces projets de loi ne creuse encore la fracture numérique que Genève accuse par rapport à d’autres cantons. Il devra désormais démontrer que s’il s’accroche, ce n’est pas par effet de mode, mais par nécessité pédagogique. Et le prouver.