Des tables rondes 100% féminines pour débattre d’enjeux cruciaux pour la Suisse, à la veille de la grève du 14 juin. C’était l’idée des femmes vert’libérales, désireuses d’apporter leur pierre à l’édifice de la mobilisation pour l’égalité. A Genève, on a parlé de l’accord-cadre avec des élues, des représentantes de l’économie et une professeure de droit. Un débat parrainé par Economiesuisse au cours duquel le texte négocié avec l’Union européenne est apparu tantôt comme une menace, tantôt comme une opportunité.

«Oui, mais»: après cinq mois de mise en consultation, la position du Conseil fédéral sur l’accord institutionnel est désormais claire et les récents échanges de lettres avec la Commission européenne ont donné le ton. Jean-Claude Juncker entre en matière mais veut aller vite pour régler les trois points sur lesquels la Suisse demande des clarifications: la protection des salaires, les aides d’Etat et la directive sur la citoyenneté.

«Le temps presse»

Pour Jocelyne Haller, députée d’Ensemble à gauche au Grand Conseil genevois, la Suisse ne doit pas laisser l’Union européenne dicter son agenda. «Cet accord est insuffisant, parce qu’il risque de favoriser la sous-enchère salariale en assouplissant les mesures d’accompagnement pour les travailleurs détachés notamment», précise celle qui, comme les syndicats, demande une renégociation du texte. «Signer trop rapidement sans garanties serait une erreur», renchérit Delphine Klopfenstein, députée verte.

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«Le temps presse, plaide au contraire Susanne Amsler, membre du comité des Vert’libéraux genevois. Des échéances cruciales comme l’équivalence boursière se profilent et la Commission européenne avec qui nous avons commencé les négociations va bientôt être renouvelée.» A ses yeux, la Suisse à trop à perdre sur le plan de la recherche, du commerce ou encore de la coopération environnementale, pour prendre le risque de s’isoler de son premier partenaire économique.

Optimiser les contrôles

«La voie bilatérale a fait ses preuves et profite à la Suisse», renchérit Sophie Dubuis, présidente des femmes PLR genevoises, soulignant que les travailleurs détachés accomplissent moins de 1% des heures de travail dans le pays. «La diminution du délai d’annonce de huit à quatre jours serait l’occasion de revoir les mécanismes de contrôle internes à la Suisse pour les rendre plus efficaces», ajoute Stéphanie Ruegsegger, directrice du département politique à la Fédération des entreprises romandes. «Dans certains cantons comme Genève, le partenariat social fonctionne bien et les abus sont activement traqués.»

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Si elle signe l’accord, la Suisse va-t-elle devoir intégrer le droit européen au risque de démanteler peu à peu ses propres régulations? Cette inquiétude est forte parmi les opposants, en particulier l’UDC qui y voit un assujettissement. «L’accord prévoit une adaptation systématique mais non automatique du droit européen, précise Christine Kaddous, directrice du Centre d’études juridiques européennes. Chaque modification sera soumise à négociation. En cas de refus par le peuple, les différends seront réglés dans la commission mixte ou via un tribunal arbitral qui prononcera, en cas d’échec, des mesures de compensation.»

Alors que les tractations se poursuivent à Bruxelles, l’initiative de l’UDC qui veut abroger la libre circulation des personnes se profile comme une nouvelle menace sur le fragile accord-cadre. «Arrêtons d’agiter cet épouvantail pour effrayer la population, plaide Sophie Buchs, membre de la direction du PDC genevois. L’UDC est minorisé sur ce sujet et on sait que, seule, elle ne gagne généralement pas.»