A Genève, l'aide d'urgence pour les plus précaires triomphe
Précarité
Attaqué par référendum, le Fonds cantonal d’indemnisation doté de 15 millions de francs a été accepté par plus de 68% des voix. Cet argent est destiné aux travailleurs, avec ou sans papiers, frappés par la crise mais qui n’ont pas pu bénéficier des aides standards

«Pas question de subventionner le travail au noir.» Martelé par la droite, MCG et UDC en tête, le slogan n’aura pas convaincu les Genevois. Plus de 68% d’entre eux ont accepté le Fonds d’indemnisation cantonal destiné aux travailleurs précaires frappés par la crise du Covid-19. Collaborateurs sur appel, étudiants, indépendants ou encore travailleurs sans-papiers bénéficieront des 15 millions de francs prévus par l’Etat. Un signal fort alors que la crise a fait émerger une précarité grandissante à Genève. Sur le plan politique, ce succès vient s’ajouter à celui de septembre sur le salaire minimum.
Président de la Communauté genevoise d’action syndicale, Davide De Felippo salue un acte de solidarité. «C’est une excellente nouvelle pour les travailleurs précarisés, avec ou sans statut légal, qui peinent à s’en sortir, souligne-t-il. Les référendaires ont fait campagne uniquement sur le travail au noir, occultant tout un pan des bénéficiaires du fonds. Aujourd’hui, le statut de travailleur l'a l’emporté sur le statut légal.»
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Cheffe de groupe socialiste au Grand Conseil genevois, la députée Caroline Marti se dit elle aussi soulagée par «ce résultat sans appel» qui «confirme une tendance lourde» à Genève. «Au-delà de la solidarité, ce vote exprime un fort besoin de protection des travailleurs, de leurs droits et de leur dignité.»
Forte de ce succès, la gauche ne compte pas s’arrêter là. Elle a récemment déposé un projet au Grand Conseil pour indemniser les travailleurs précaires à compter de novembre et jusqu’à la fin de la crise. «Il est aujourd’hui en suspens en commission des affaires sociales», précise Caroline Marti.
«Jour noir pour Genève»
Du côté des perdants, André Pfeffer, président du comité référendaire, ne cache pas sa déception. «Je regrette que le débat sur le travail illégal, véritable fléau à Genève, n’ait pas eu lieu», déplore-t-il, très inquiet du projet en gestation de la gauche. Le président du MCG Francisco Valentin va jusqu’à parler d’un «jour noir pour Genève». «Alors que de nombreux restaurateurs bataillent pour s’en sortir, des sans-papiers bénéficieront d’une aide de 4000 francs par mois sur la simple base d’une déclaration sur l’honneur.» Le député PLR Yvan Zweifel, juge lui aussi le signal très mauvais: «En indemnisant des travailleurs sans statut légal, l’Etat va payer l’addition à la place de patrons qui n’ont pas assumé leurs responsabilités.»