A Genève, l’enseignement spécialisé préoccupe les syndicats
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Le syndicat d’enseignants du primaire dénonce des problèmes de gestion et un manque de moyens criant à l’Office médico-pédagogique. Le Département de l’instruction publique reconnaît une «hausse inédite» des besoins qui met la structure sous pression

Manque de moyens, élèves vulnérables en souffrance, collaborateurs sous pression ou encore écarts sociaux grandissants: quelques jours après la conférence de presse officielle de rentrée, le syndicat d’enseignants genevois du primaire noircit le tableau globalement positif brossé par la cheffe du Département de l’instruction publique (DIP) Anne Emery-Torracinta. Les griefs concernent particulièrement l’enseignement spécialisé, chapeauté par l’Office médico-pédagogique (OMP), accusé de graves dysfonctionnements.
Premier constat, partagé à la fois par l’Etat et les syndicats: le nombre d’élèves à besoins particuliers augmente. Cette rentrée, quelque 2127 jeunes devront être suivis à l’OMP pour des troubles du comportement, du langage ou encore du spectre autistique, que ce soit par le biais d’un soutien en restant dans l’enseignement régulier ou en basculant dans le spécialisé. A titre de comparaison, ils étaient 1925 en 2019 et 1805 en 2010. Quelque 900 nouvelles demandes de prise en charge ont par ailleurs été effectuées en 2021 par les maîtres contre 400 en 2019.
«Un droit qui n’est plus respecté»
De l’avis des syndicats, le feu couve depuis longtemps à l’OMP, qui a par ailleurs fait l’objet de plusieurs audits internes ces dernières années. «Laisser entendre aujourd’hui que tout va bien, c’est limite indécent», lâche Francesca Marchesini, présidente de la Société pédagogique genevoise (SPG), qui dénonce un problème de gouvernance et un manque de ressources au sein de cet office qui emploie 1070 collaborateurs au total, enseignants spécialisés, éducateurs, mais aussi médecins, logopédistes ou encore psychologues. Conséquence: le délai pour une prise en charge s’allonge. «Des élèves qui auraient besoin de 8 périodes de soutien par semaine n’en obtiennent parfois que 4, témoigne une enseignante spécialisée. D’autres restent des mois sur liste d’attente et lorsqu’ils sont enfin suivis, leur situation s’est tellement dégradée que la réponse donnée ne suffit plus. Durant tout ce temps, la classe entière a été pénalisée.» Membre du comité de la SPG et par ailleurs enseignant au primaire, Olivier Baud résume sans ambages: «L’accès à l’enseignement spécialisé est un droit qui, à Genève, n’est plus respecté.»
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Comment expliquer une telle situation? Pour les syndicats, le «délitement des prestations» résulte d’un manque d’intérêt pour l’enseignement spécialisé. «L’OMP est en bout de chaîne de l’attribution des ressources et se satisfait des miettes budgétaires», dénonce Francesca Marchesini. Combien de postes seraient nécessaires pour redresser la barre? La SPG peine à articuler un chiffre. «Ce qui est déterminant, c’est le nombre d’élèves par classe, estime Olivier Baud. Or aujourd’hui, Genève est à 20, l’un des taux les plus élevés de Suisse.»
«Du bricolage permanent»
Sur le plan des ressources humaines, le SIT (Syndicat interprofessionnel des travailleurs) dénonce des «réorganisations permanentes menées sans concertation» qui déstabiliseraient les collaborateurs. Il alerte par ailleurs sur la précarité des 350 remplaçants au bénéfice d’un forfait qui travaillent sur le terrain dans des conditions précaires. «Dans certains foyers, il n’y a plus un seul collaborateur formé, uniquement des remplaçants, alors même que les jeunes en question requièrent une attention de tous les instants, c’est du bricolage permanent», déplore Alexandre Schwartz, enseignant spécialisé et responsable d’un lieu d’accueil. Le SIT envisage plusieurs voies, y compris celle de solliciter la Cour des comptes, afin d’alerter la direction qui, selon lui, fait la sourde oreille. Une assemblée du personnel est d’ores et déjà fixée au 6 septembre.
Le département se défend
Face aux critiques, le DIP met en avant les moyens octroyés à l’OMP, quelque 150 postes supplémentaires en trois ans, pour répondre à la «hausse inédite» des besoins. «Cette croissance met l’OMP sous tension au niveau des moyens, de la recherche de locaux et de personnel qualifié et complexifie sa gouvernance», reconnaît le porte-parole du DIP Pierre-Antoine Preti, soulignant que la situation préoccupante est suivie de près par la magistrate Anne Emery-Torracinta en collaboration avec les différents acteurs, y compris les associations professionnelles. Quid de la souffrance des collaborateurs? Elle ne semble pas se refléter dans le taux d’absentéisme de 6,24% en 2020. Un chiffre proche de la moyenne de l’Etat (5,9%) et légèrement supérieur au DIP (5,2%).
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