A Genève, le MCG rêve de taxis écolos
Transition énergétique
AbonnéUn projet de loi vise à accélérer le passage aux véhicules électriques pour les chauffeurs de taxi genevois. Ils pourraient ainsi bénéficier d’une prime à l’achat. Mais la transition nécessitera d’importants aménagements urbains

Que les voitures affublées du logo jaune des taxis deviennent vertes. C’est l’ambition du député MCG François Baertschi. Dans un projet de loi tout juste déposé, l’élu propose que l’Etat mette la main au porte-monnaie afin d’aider les taxis genevois à renouveler leur parc automobile. Comment? En les incitant à se tourner vers des véhicules sans émissions de CO2.
Un coup de pouce nécessaire selon le député, alors que la nouvelle loi sur les taxis et les véhicules de transport avec chauffeur (LTVTC) leur impose l’utilisation de voitures totalement propres à partir de l’été 2030. A ce jour, plus de 1000 taxis écument le canton, et leur électrification fait partie des discussions qui entourent l’élaboration du règlement d’application de la LTVTC.
Un investissement de 5 millions pour l’Etat
Concrètement, l’aide imaginée prend la forme d’une prime plafonnée à 12 000 francs et octroyée à l’achat d’un nouveau véhicule. Pour encourager les chauffeurs à investir rapidement, elle se voit réduite chaque année de 10% dès 2024, pour atteindre 7200 francs en 2028. «Un montant comparable aux incitations qui existent dans les pays voisins», explique François Baertschi. L’achat d’une voiture totalement électrique est estimé à entre 50 000 et 70 000 francs. Un investissement conséquent pour des chauffeurs souvent indépendants, «qui n’ont pas nécessairement l’assise financière suffisante pour se permettre l’acquisition de ce type de véhicule», juge l’élu.
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Les corporations pourront proposer des modèles de voiture électrique au Conseil d’Etat, qui déterminera lesquels bénéficieront d’un soutien financier. Avec un coût moyen estimé à 9600 francs par véhicule et le renouvellement partiel de la flotte de taxis, l’investissement total pourrait avoisiner les 5 millions de francs à la charge du canton.
Des obstacles techniques importants
Si l’obligation d’utiliser des voitures propres va dans le bon sens selon l’Union des taxis genevois (UTG), beaucoup d’interrogations subsistent pour les chauffeurs, car les voitures électriques souffrent d’une autonomie amoindrie et d’un long temps de recharge par rapport aux véhicules à essence. «Je perds environ 100 kilomètres d’autonomie avec l’alimentation des appareils obligatoires, comme l’enregistreur de vitesse. Le chauffage ou la climatisation consomment aussi, et en tant que taxis nous ne pouvons pas renoncer à une certaine qualité de service», relève la présidente de l’UTG, Gabrielle Le Goff. Elle précise que prendre en charge quatre personnes avec des bagages à l’aéroport ou à la gare reste impossible aujourd’hui avec des voitures électriques.
Pour les professionnels, l’économie réalisée sur l’absence de carburant n’est en outre pas suffisante au regard des frais d’installation de bornes de recharge privées, ou des coûts administratifs. «A Genève, après trois ans de gratuité, il faut compter 1500 francs de taxe avec ce genre de véhicules puissants. Dans le canton de Vaud, c’est 25 francs.»
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Durement touchés par la pandémie et dénonçant le maintien des activités d’Uber dans le canton, les taxis voient donc l’initiative du MCG d’un bon œil. «Le timing de la nouvelle loi était trop serré pour parvenir à ses objectifs, explique Cédric Bouchard, directeur de la centrale Taxiphone. Malgré nos rencontres avec le Département de l’économie et sa magistrate verte Fabienne Fischer, nous avons finalement abouti à une fin de non-recevoir, invoquée pour des raisons budgétaires. C’est une bonne chose que des députés se saisissent de cette question.» La subvention à l’achat d’un véhicule ne sera accordée qu’aux taxis, et non aux chauffeurs VTC.
Des prises et des enseignes lumineuses
Reste l’épineuse question de l’aménagement nécessaire pour pouvoir recharger une flotte de taxis électriques. A domicile, l’installation d’une borne est sujette à autorisation et peut faire l’objet d’opposition de la part de la régie, ou être rendue simplement impossible par la vétusté des bâtiments abritant des parkings.
Bien qu’accueillant actuellement 93 lieux de recharge sur le domaine public, Genève n’offre pas d’équipements suffisants pour satisfaire les futurs besoins des taxis. «Pour qu’un parc électrique puisse être efficace, il faut pouvoir compter sur de nombreux chargeurs puissants. Or, les plus proches n’existent actuellement qu’en France voisine ou vers Lausanne», déplore Gabrielle Le Goff, précisant qu’une recharge peut prendre entre 7 et 24 heures suivant la puissance délivrée par la borne.
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Pour pallier ce manque, le projet de loi prévoit la fixation d’un calendrier afin d’installer des prises électriques sur les quelque 78 stations de taxis que compte le canton. Des enseignes lumineuses seront également aménagées pour permettre de reconnaître plus facilement les stations. Ainsi, 80% des arrêts devraient en bénéficier avant l’été 2028. «Avec des Superchargeurs, les voitures n’auront besoin que de quelques minutes avant de pouvoir faire une course», précise encore Cédric Bouchard. Le projet de loi devrait être prochainement débattu.