A Genève, le numérique à l'école retente sa chance
Investissements
Le Conseil d'Etat a adopté deux projets d'investissement de 18 millions de francs pour équiper les établissements en matériel et en wifi. Les députés se montrent prudents

Deuxième essai pour le numérique à l’école. Après une tentative avortée fin 2019, le Conseil d’Etat genevois revient à la charge avec deux projets de loi pour équiper les écoles en matériel informatique (tablettes, ordinateurs portables, robots éducatifs ou encore micro-ordinateurs) et en connexion Internet (partout sauf au primaire). Total des investissements: 18 millions de francs soit 4 de moins que les précédentes moutures, retirées face au manque de soutien politique. La balle est désormais dans le camp du Grand Conseil et plus particulièrement de la commission des travaux, chargée d’étudier la nouvelle proposition.
Présenté début septembre, le projet vise à introduire une éducation au numérique, pas à dispenser les enseignements actuels à travers des outils technologiques. D’ici 2025, tous les élèves du canton devraient bénéficier d’une formation au numérique de la primaire à la fin de l’enseignement secondaire II. Cette approche comprend la science informatique (algorithmes et programmation), la maîtrise des outils mais aussi les enjeux tels que la protection des données, la prévention des risques sur Internet ou encore le traitement des ressources médiatiques en ligne. Depuis cette rentrée, deux heures de science informatique ont d’ores et déjà été ajoutées au programme du Collège et de l’Ecole de culture générale. Ce faisant, Genève entend remplir les exigences imposées par le Plan d’études romand en éducation numérique, feuille de route pour l’enseignement obligatoire.
Pas d’élans passionnés
En 2019, la commission des travaux avait vu rouge, jugeant l’investissement de 22 millions de francs peu justifié. A l’époque, le projet du Conseil d’Etat comprenait essentiellement l’achat de tablettes et l’installation de wifi sans évoquer de projet pédagogique sous-jacent. L’adhésion des députés est-elle plus forte aujourd’hui? Premier constat: au sein du Grand Conseil difficile de trouver un spécialiste du sujet qui, malgré son importance, ne semble pas passionner les foules.
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Membre de la commission de l’enseignement, la PLR Natacha Buffet-Desfayes attend de voir le détail du projet pédagogique mais s’avoue méfiante. «Les enseignants sont conviés à de multiples réunions censées leur expliquer comment utiliser le numérique durant leurs cours, mais tout reste flou, déplore-t-elle. Soit le projet est secret, soit il n’existe pas.» A ses yeux, les opportunités du numérique restent limitées compte tenu du cadre scolaire restreint et, somme toute, très classique. «Il y a un décalage total entre ce qu’on imagine du numérique et la réalité du terrain qui, au-delà de l’aspect gadget, ne permet pas la modernité fantasmée.»
Retard à combler
De son côté, la députée MCG Ana Roch se montre plus enthousiaste, jugeant urgent d’améliorer une situation obsolète. «Aujourd’hui, il n'y a qu’un ordinateur par classe voire parfois aucun», déplore-t-elle. A ses yeux, le numérique dessinera l’avenir, impossible d’y échapper. «Cela a bien sûr un coût. A ce titre, le montant évoqué me semble raisonnable», estime-t-elle, soulignant toutefois qu’il faut veiller à ce que les écrans ne prennent pas trop de place au primaire pour ne pas entraver la socialisation des enfants.
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Membre de la commission de l’enseignement et des travaux, Nicole Valiquer-Greccucio estime elle aussi que Genève doit rattraper son retard. «On ne peut pas se permettre de repousser à nouveau la question qui doit être définitivement empoignée, plaide-t-elle. Cela ne pourra se faire qu’avec l’implication de l’ensemble des partenaires et notamment des enseignants dont l’adhésion est primordiale.»
Désamorcer les résistances
Pour Olivier Hindeberger, membre du comité de la SPG (Société pédagogique genevoise), l’actuel projet est meilleur que le précédant dans la mesure où il prévoit une palette d’équipements variés. «Ils devront être utilisés lorsque c’est pertinent, en évitant l'écueil de l’écran pour l’écran», prévient-il, tout en relevant l’impact futur sur les maîtres en termes de charge de travail et de formation, aujourd’hui «insuffisante». Face aux multiples résistances émanent de parents d’élèves, d’enseignants, de politiques ou encore de logopédistes, le Conseil d’Etat devra se montrer persuasif s’il entend éviter un troisième tour de piste.