A Genève, les partis rivalisent d’idées pour faire baisser les coûts de la santé
Genève
A la veille des élections fédérales, chacun s’ingénie à trouver des solutions à l’augmentation des primes maladie. De gauche à droite, elles vont de la refonte à l’adaptation du système

Une fois n’est pas coutume, le climat semble avoir supplanté la lancinante question des primes d’assurance maladie dans la campagne des élections fédérales. D’autant plus que cette année, la facture n’est pas aussi salée que les automnes précédents, plusieurs assureurs ayant même baissé leurs primes. Pourtant, chacun sait qu’il ne s’agit que d’une embellie. Aussi les partis genevois rivalisent-ils d’idées pour tordre le cou une fois pour toutes à l’hydre menaçante, le canton du bout du lac ayant les primes les plus élevées du pays après Bâle-Ville.
«Redonner du pouvoir d’achat aux gens»
Dernière proposition en date, celle de l’UDC, avec une initiative cantonale. Elle réclame une déduction fiscale forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne cantonale obligatoire. Un remède qui allégerait les poches du contribuable, mais soustrairait à l’Etat 170 millions de francs de recettes. La commission fiscale du Grand Conseil ne s’y est pas trompée, refusant net cette proposition, à l’exception des commissaires UDC, s’en remettant donc au peuple.
Pour Céline Amaudruz, candidate au Conseil des Etats et à sa succession au National, «il s’agit d’une solution rapide pour redonner du pouvoir d’achat aux gens. On aurait tort de croire que les coûts de la santé sont imputables uniquement aux assureurs. En réalité, ceux-ci ne sont responsables que de 5% des coûts. Mais à défaut de pouvoir revoir le système dans son ensemble, on peut agir rapidement sur la fiscalité.» Que les finances de l’Etat de Genève soient au plus mal, avec un déficit prévu dans le projet de budget 2020 de 590 millions de francs, n’est pas de nature à rebuter l’UDC.
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«La LAMal a fait son temps»
Pourtant, une partie de ce déficit est le résultat d’un contre-projet accepté par le peuple genevois en compensation de la réforme de la fiscalité des entreprises RFFA: 186 millions de francs de subsides en plus pour l’assurance maladie. Une victoire de la gauche genevoise, qui ne se privera pas pour autant de soutenir l’initiative fédérale du PS visant à plafonner les primes de l’assurance obligatoire à 10% du revenu disponible des ménages. Pour le député socialiste et candidat au Conseil national Romain de Sainte Marie, ces solutions sont intermédiaires, mais on ne s’épargnera pas une réforme de fond du système: «La LAMal a fait son temps. Au parlement fédéral, les lobbies des assureurs orientent les votes. Il ne faut plus permettre aux assureurs des réserves colossales. La seule solution valable est celle d’une caisse cantonale publique, il faut que la Confédération permette cette solution aux cantons.»
«Première consultation gratuite»
Démolir pour reconstruire, c’est aussi la volonté de Béatrice Hirsch, candidate PDC au Conseil des Etats. Infirmière, elle ne croit pas au constat que plus l’offre de soins est importante, plus les consultations augmentent. Selon elle au contraire, de trop nombreuses personnes renoncent à se faire soigner parce que leur franchise est élevée: «Je propose donc que la première consultation soit prise en charge. Dépenser aujourd’hui, c’est économiser demain.» Outre des moyens accrus pour la prévention, à travers les dépistages par exemple, la démocrate-chrétienne n’hésiterait pas à tordre le cou des assureurs: «Ils ne sont pas efficients. Par conséquent, la santé devrait être une tâche régalienne de l’Etat.» Une position diamétralement opposée à celle du PLR, pour qui la réponse à la hausse des coûts ne passe ni par une étatisation du système, ni par un plafond aux dépenses.
Sur ce sujet, les deux partis sont loin d’être alignés. L’initiative «Pour un frein aux coûts de la santé» du PDC suisse prévoit que la Confédération intervienne avec les cantons si les coûts augmentent trop par rapport à l’évolution des salaires. Au niveau cantonal, le PDC genevois préconise la création d’une caisse de compensation chargée de payer les factures, de gérer les réserves et de définir le montant des primes. Pour Béatrice Hirsch, ce pourrait être les premiers jalons avant le grand chambardement.
Financement uniforme et coordination des soins
Rien d’aussi radical pour le candidat au National sous les couleurs vert’libérales Michel Matter, par ailleurs président de l’Association des médecins genevois et vice-président de la Fédération suisse des médecins. Il compte beaucoup sur le financement uniforme, «déjà bien avancé à Berne», qui consiste à basculer les soins stationnaires sur les soins ambulatoires, mais en augmentant la part payée par l’Etat (l’ambulatoire est actuellement financé à 55% par l’Etat et à 45% par les primes), pour éviter que ces dernières n’augmentent.
«In fine, cela reviendra à financer par l’impôt, mais ce sera plus social.» Il préconise aussi la coordination des soins, le dossier électronique du patient – pour éviter les doublons dans la prise en charge médicale –, la refonte de Tarmed, ainsi qu’un système pour éviter les gestes inutiles dans chaque spécialité. Mais il se refuse à un optimisme mensonger: «On ne pourra pas baisser les coûts, mais seulement freiner leur augmentation.» Quant à l’initiative UDC, il la qualifie «d’emplâtre, car elle n’est qu’un rabais fiscal». Ce n’est pas encore demain qu’on trouvera un remède susceptible de faire l’unanimité.