Difficile de trouver un restaurant ouvert, plus difficile encore de trouver un restaurant avec des clients. En ce lundi matin pluvieux, premier jour du déconfinement phase deux, la reprise s’annonce très lente à Genève où plus de la moitié des établissements sont restés fermés. Pour des raisons opérationnelles ou financières, les directives sanitaires imposées sont tout simplement impossibles à respecter pour les restaurateurs.

Pour ceux qui ont décidé d’ouvrir, rien n’est gagné. Maria Alvarado, gérante et propriétaire de La Finestra, petit restaurant italien au cœur de la Vieille-Ville, confie sa détresse. Midi approche. Autour d’elle, les tables sont dressées. Dans la cuisine, ses employés s’affairent, mais aucune réservation n’est pour l’heure annoncée. «Si l’activité ne reprend pas d’ici une à deux semaines, je vais me retrouver dos au mur, obligée d’emprunter encore ou de déposer le bilan», déplore-t-elle, soulignant qu’elle n’a pu trouver aucun arrangement avec son bailleur au sujet du loyer.

De fait, une grande partie de sa clientèle, professionnelle ou touristique, est aujourd’hui aux abonnés absents. «C’est dur d’y croire, mais nous sommes prêts à nous battre jusqu’au bout pour sortir la tête hors de l’eau», ajoute la patronne, tout en réajustant l’espace réglementaire entre les tables.

«Nous allons perdre pied»

Aux abords d’Uni Mail, le service de midi s’annonce lui aussi très calme au Green Café, restaurant péruvien prisé des étudiants, qui suivent actuellement leurs cours à distance. «La situation est très préoccupante, confie la gérante, Nola Cartolin. Les salaires de mars ont été payés, mais nous avons du retard sur avril. Si la clientèle n’est pas au rendez-vous, nous allons perdre pied.» Masqués, ses employés s’affairent autour de boîtes en plastique. Pour ne pas décourager les plus angoissés, le Green Café propose également ses mets à l’emporter.

Lire aussi:  Les restaurants rouvriront en petit comité

Plus haut, dans le quartier de Saint-Gervais, le bistrot L’Escalade s’en tire bien. Plusieurs tables occupées et des clients, un brin intimidés, qui continuent d’affluer. Des habitués surtout. Parmi eux, deux couples d’amis qui n’ont pas hésité à se réunir comme chaque lundi pour «reprendre les bonnes habitudes». D’humeur joyeuse, ils trinquent à la bière en attendant leur plat du jour.

«Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire», la maxime désormais mythique d’Alain Berset trône en bonne place sur le plexiglas qui sépare les tables. «C’est lui qui donne le ton», plaisante un serveur masqué, désinfectant en main. A ses côtés, une feuille d’identification facultative où figurent déjà de nombreux noms.

Lire également:  Restauration: le traçage sanitaire des clients sera facultatif

«Effort collectif»

Restaurateurs menacés de faillite, propriétaires de bar qui craignent de ne pas réussir à faire respecter les distances de sécurité: après deux mois d’arrêt forcé, le monde de la restauration ressort profondément fragilisé. Installé en terrasse au Bourg-de-Four autour d’un café matinal, le président du Conseil d’Etat genevois, Antonio Hodgers, ne cache pas son inquiétude: «La crise économique risque d’être encore plus dure à gérer politiquement que la crise sanitaire. Nous entrons dans une phase difficile qui demandera du courage, un effort collectif pour se relever.»