Alors que le développement de la plateforme se joue essentiellement à Berne, l’initiative ne changera rien à la protection de l’environnement mais paralysera les prises de décision, craint le gouvernement, porteur d’un contre-projet rejeté à 54,15%. «Nous partageons les objectifs des initiants en matière d'environnement et n'avons pas attendu la votation pour fixer un cadre contraignant au développement de l'aéroport», affirme Serge Dal Busco, chef du Département des infrastructures.
«Incroyable»: la Verte Lisa Mazzone n’a que ce mot à la bouche au moment des résultats. Emue, la présidente de la Carpe (Coordination pour un aéroport respectueux de la population et de l’environnement) vit une seconde victoire après son élection au Conseil des Etats le 10 novembre dernier. «La population nous a suivis sur un premier cas concret où la protection de l’environnement et de l’être humain est en jeu, souligne-t-elle. Alors que l’aéroport est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre du canton, c’est la confirmation tant attendue de la vague verte.»
«Le premier vol remplace mon réveil»
Du côté des riverains, récompensés après des années de fronde, la joie est électrique. «Chaque matin, le premier vol remplace mon réveil et ça continue toute la journée, un décollage toutes les 90 secondes, raille Philippe Dugerdil, habitant de Satigny et représentant de l’Association des riverains de l’aéroport au sein de la Carpe. Il faut le vivre pour le comprendre.» Selon lui, «l’effet Thunberg» a joué en ce dimanche ensoleillé: «On a atteint un tournant, la population est désormais consciente que sa santé passe avant le low cost de loisirs. Vingt-cinq millions de passagers en 2030 comme le prévoit la Confédération? Genève n’en veut pas.»
Lire également: Le développement de l’aéroport divise Genève
A droite, on encaisse la défaite avec amertume, tout en nuançant le message catastrophiste relayé durant la campagne. «Cette initiative, trompeuse dans ses termes, ne changera en réalité rien, parce que l’essentiel se décide à Berne», estime le président du PDC genevois, Vincent Maitre. La marge de manœuvre du canton sur le développement de Cointrin est en effet limitée, la Confédération et les compagnies aériennes détenant d’importantes prérogatives. Les voies aériennes, par exemple, sont contrôlées par Skyguide et les aéronefs appartiennent aux compagnies qui peuvent, si elles sont européennes, ouvrir des lignes comme elles l’entendent en Suisse. La fiche PSIA, qui fixe la planification de Cointrin, ne pourra pas non plus être renégociée par le canton, qui l’a acceptée en 2018. En revanche, le règlement d'exploitation est actuellement en phase de consultation. Des éléments contraignants pour les compagnies aériennes pourraient y être intégrés.
«Village moyenâgeux coupé du monde»
Les milieux économiques, qui n’ont cessé de souligner l’importance de la plateforme aéroportuaire dans l’essor de Genève, n’en démordent pas. «Sans Cointrin, Genève serait encore un village moyenâgeux coupé du monde», grommelle Vincent Subilia, président de la Chambre de commerce et d’industrie genevoise et député PLR. Dans un débat aussi émotionnel, difficile, selon lui, de faire entendre des réponses rationnelles: «Les efforts de l’aéroport pour réduire son empreinte écologique ou ceux des compagnies pour compenser leurs émissions carbone sont passés inaperçus, voire ont été taxés d’opportunisme», déplore-t-il.
Lire encore: Cointrin, Swiss et EasyJet promettent moins de bruit
La victoire du jour n’est-elle pas avant tout symbolique? «Le vrai travail commence maintenant, reconnaît Lisa Mazzone. Il va falloir agir à Berne pour renégocier le cadre de développement de Cointrin. Le plébiscite populaire sera un argument de taille.» L’arrivée de Simonetta Sommaruga à la tête du Département fédéral de l’environnement et des transports pourrait également être un élément favorable. Pour réduire la croissance de l’aéroport ne faut-il pas modifier les habitudes des passagers? «La réponse passe bien sûr par une taxe sur les carburants et les billets d’avion, estime Lisa Mazzone. Aujourd’hui, Genève pose une question: quel type d’aviation veut-on pour le futur?»