A Genève, le scandale de Mancy suscite des réactions politiques contrastées
Enquête
Au lendemain des révélations du «Temps» et de «Heidi.news» sur les maltraitances répétées au sein de cet établissement spécialisé, des députés prennent position pour dénoncer la «faillite d’une institution publique»

Au lendemain de l’enquête conjointe du Temps et de Heidi.news faisant état de maltraitances répétées au foyer de Mancy, le scandale agite le sérail politique genevois. «L’effet boite noire», c’est ainsi que le député socialiste Cyril Mizrahi décrit les conditions qui ont pu mener à de telles dérives dans un établissement qui accueille des jeunes atteints d’autisme sévère ou de lourdes déficiences intellectuelles. «Pour les familles, il est très difficile de savoir ce qu’il se passe exactement dans ce genre de lieux, on parle de jeunes vulnérables qui ne peuvent souvent pas verbaliser ce qu’ils vivent», rappelle l’avocat spécialisé dans la défense des personnes handicapées.
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Dans le cadre de son activité professionnelle, Cyril Mirzahi a notamment défendu la mère d’un ancien pensionnaire de Mancy à qui le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a voulu retirer la curatelle. «Quand ma cliente a décidé que son fils ne retournerait plus à Mancy, elle soupçonnait déjà des mauvais traitements. La question est désormais de savoir quand la ligne rouge a été franchie», appuie-t-il, soulignant l’importance particulière du contrôle dans ces institutions.
Responsabilité juridique de l’Etat
A ses yeux, l’urgence est désormais de suspendre les personnes soupçonnées de maltraitance et de faire en sorte que cela ne puisse pas se reproduire. «On parle de fait inqualifiables, de la faillite d’une institution publique, déplore-t-il. Il faut établir précisément ce qui s’est passé, les responsabilités des uns et des autres.» La responsabilité juridique de l’Etat entre en effet en jeu selon lui. «Si tort il y a, les victimes doivent être indemnisées car la réponse n’a manifestement pas été à la hauteur des enjeux.»
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Du côté de la commission du contrôle de gestion du Grand Conseil, qui s’était auto-saisie de l’affaire, les nouvelles révélations sont diversement appréciées. «Nous avons déjà traité le sujet et ces éléments ne changent pas les conclusions auxquelles nous sommes parvenus en décembre dernier, note le député PLR Jean Romain. Ils tendraient plutôt à innocenter Sandra Capeder et à charger la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta. Or, nous ne sommes pas une instance juridique et n’avons pas à traiter de cela.»
«On ne peut pas laisser passer cela»
Pour mémoire, la commission demandait, entre autres, l’ouverture d’une enquête administrative pour enquêter sur les dysfonctionnements et la non-dénonciation de faits pouvant se révéler pénaux, mais aussi une restructuration du service médico-pédagogique et la mise en place d’un organisme de contrôle indépendant chargé de visites non planifiées de ces structures.
Pas suffisant pour le député PDC Bertrand Buchs, membre lui aussi de la commission de gestion, pour qui il s’agit au contraire, à la lumière de ces nouveaux éléments, «de poursuivre les investigations et de réentendre Sandra Capeder et la conseillère d’Etat. Au niveau politique, on ne peut pas laisser passer cela, même s’il y a une plainte pénale.» Il relève aussi l’extrême complexité de fonctionnement au DIP, «où personne ne comprend qui dit quoi, qui remonte quoi.» La commission en discutera lundi prochain.