Migration
Le sinistre s’est déclaré vendredi sur le chantier du futur centre pour requérants, aux abords de l’aéroport de Cointrin. Les opposants y voient l’opportunité de rouvrir le dossier

Au 7 chemin du Bois-Brûlé, une fumée noire s’échappe du toit du bâtiment entouré d’échafaudages et de bâches blanches. Il était 17h, vendredi dernier, lorsqu’un important incendie s’est déclaré sur le chantier du futur centre fédéral pour requérants d’asile aux abords de l’aéroport de Cointrin. L’inauguration de l’édifice – combattu par la gauche et les associations actives dans le domaine –, qui doit aussi abriter les locaux de la police internationale, devait avoir lieu en 2022, avant d’être reportée à l’automne 2023. Il faudra désormais compter avec un délai supplémentaire de quelques mois compte tenu du sinistre qui a endommagé la dalle supérieure du bâtiment.
Selon les premières informations, le feu a démarré sur la toiture où des travaux d’étanchéité étaient en cours. «Cinq des quinze bombonnes de gaz présentes sur le toit ont explosé. On a retrouvé des plaques de goudron par terre», relate Nicolas Millot, porte-parole du Service d’incendie et de secours (SIS), soulignant que les matériaux d’isolation sont très fumigènes. «Compte tenu du fort vent, la fumée s’est dirigée sur tout le canton, nécessitant l’interruption du trafic aérien durant près de deux heures», souligne-t-il encore. La piste criminelle peut-elle être envisagée? Porte-parole de la police cantonale, Joanna Matta se limite à dire qu’une enquête est en cours pour déterminer les causes exactes du sinistre.
Profiter du retard pour revoir le projet?
Doté de 250 places, l’établissement, dont le coût est évalué à 25 millions de francs, doit accueillir des candidats à l’asile (y compris mineurs) et des personnes déboutées. Opposée à l’ouverture d’un «centre semi-carcéral dans une zone inadaptée», la conseillère nationale verte Delphine Klopfenstein Broggini voit dans l’incendie un signe du destin. «Il faut profiter de ce retard pour se donner un temps de réflexion», martèle-t-elle, rappelant qu’en 2019 le Grand Conseil avait accepté une motion demandant au gouvernement de renoncer à une structure «opaque, au coût financier et humain exorbitant». «Par ailleurs, la pétition déposée en novembre 2021 munie de 4400 signatures n’a pas encore été traitée, souligne-t-elle. Le problème reste entier.»
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Membre de la coalition «Non au centre de renvoi», Ur Shlonsky estime que le contexte dans lequel la création du centre a été décidée, en 2015, a évolué. «Le dispositif mis en place pour les réfugiés ukrainiens montre que la Suisse a les moyens d’offrir un accueil digne. Ce qui n’est fondamentalement pas possible dans ce lieu invivable, à côté d’une piste d’atterrissage», dénonce-t-il.
«Genève doit faire sa part»
Pour le conseiller d’Etat Mauro Poggia, pas question de rouvrir le dossier alors qu’une convention d’exploitation est à bout touchant entre le Secrétariat d’Etat aux migrations, le canton et la commune du Grand-Saconnex. «S’il fallait attendre un incendie pour se poser les bonnes questions, ce serait grave», lâche-t-il, sans cacher son agacement. Aux yeux du chef du Département de la sécurité, de la population et de la santé, les opposants font preuve d’angélisme en niant le fait que Genève doit faire sa part dans la politique d’asile fédérale. «Si on supprime ce centre, les requérants seront simplement logés ailleurs, dans des conditions probablement moins bonnes», argumente le magistrat, qui veut faire de l’établissement genevois un modèle d’exemplarité.
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S’il reconnaît que l’emplacement n’est pas idéal, Mauro Poggia affirme que son exploitation se déroulera en toute transparence et avec humanité. «Les lieux pour accueillir de telles infrastructures sont très difficiles à trouver, et quoi qu’on fasse il y a des critiques», souligne-t-il, précisant que la durée de séjour sera limitée à quelques mois.