Emblème architectural du futur quartier du PAV (Praille Acacias Vernets), le pavillon Sicli se veut aussi lieu de dialogue. C’est du moins l’ambition des autorités genevoises. Après y avoir organisé les Rencontres du développement l’automne dernier, elles l’ont choisi pour présenter à la presse et à une poignée d’habitants la mutation de la zone dite Acacias I. L’enjeu? Prendre le pouls de la population et désamorcer les éventuelles critiques autour d’un projet ambitieux qui vise à transformer une «zone industrielle bitumée» en un «nouveau morceau de centre-ville» libéré des voitures. Un exercice plutôt réussi.

Formellement, le plan localisé de quartier (PLQ) Acacias I, qui s’étend sur 16 hectares, est mis à l’enquête publique. Durant cette phase de consultation de 30 jours, les citoyens ont le droit de commenter tous les aspects du projet. «Cela ne veut pas dire que tout sera retenu», précise le chef du Département du territoire Antonio Hodgers, espérant que les contestataires qui s’expriment souvent dans les urnes le feront ici de «manière constructive». Au-delà des réflexions individuelles, la population est également invitée à participer à des ateliers thématiques sur l’aménagement des espaces publics notamment.

La rivière au cœur du projet

La zone industrielle des Acacias, actuellement occupée par quelque 200 entreprises, est vouée à devenir un centre-ville dynamique abritant 2450 logements et 2000 emplois. Véritables fils conducteurs du PLQ, les rivières l’Aire et la Drize vont être remises à ciel ouvert. Outre une série d’équipements publics, le projet prévoit la plantation de 500 arbres et la création d’un corridor de nature. En termes de hauteur, les bâtiments alternent entre 85, 50 et 30 mètres, réunis en un îlot urbain d’une densité similaire aux Eaux-Vives ou à Plainpalais. «On veut bâtir une ville mixte, aux antipodes de la zone dortoir ou de la gentrification», prévient Antonio Hodgers, soulignant que le piéton ne sera plus contraint de longer les axes routiers. Et pour cause: les voitures seront bannies du quartier et stationneront dans des parkings extérieurs. Une orientation qui se retrouve dans le ratio de stationnement de 0,5 seulement.

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Espace attribué à la rivière trop restreint, manque d’une vraie place publique, ou encore hauteur de certains bâtiments en rupture avec le quartier voisin des Noirettes: partenaire directe de l’Etat, la ville de Genève émet quelques réserves tout en réaffirmant son soutien au projet. «Sur le principe, nous sommes d’accord avec ces remarques», affirme Antonio Hodgers, soulignant que les discussions se poursuivent.

«Les acteurs économiques s’impatientent»

Le Conseil d’Etat espère tenir un projet retravaillé cet automne, pour un vote au Conseil municipal l’an prochain. La mise à ciel ouvert des rivières est quant à elle prévue pour 2025. Pour le président de la fondation PAV, Robert Cramer, il y a urgence. «Au-delà de la nécessité de créer du logement, les promoteurs immobiliers et autres acteurs économiques s’impatientent», prévient-il, ajoutant que les entreprises attendent elles aussi des solutions de relogement.

Si elles veulent tenir ce calendrier, les autorités devront obtenir néanmoins l’adhésion de la population. Face à la trentaine d’habitants présents, elles ont donc joué la carte de l’apaisement, allant jusqu’à proposer à deux animatrices de la maison de quartier des Acacias, inquiètes du manque d’équipements publics pour les jeunes, un rendez-vous en personne.

Un public curieux

Etude d’ensoleillement, assainissement des sols pollués, composition des jurys lors des concours d’architectes ou encore système d’autopartage: plus curieux que critique, le public veut obtenir des précisions. Lorsqu’un habitant du quartier pointe des «problèmes de cohérence» entre les différents morceaux du PAV, avec des quartiers très denses et d’autres plus calmes, Antonio Hodgers répond avec tact. «L’alternance entre les différentes ambiances est l’une des forces du projet. Un quartier où tous les immeubles auraient la même taille ressemblerait à une architecture soviétique déprimante.»

Membre du Rassemblement pour une politique sociale du logement, Marc Brun se montre plus incisif. «On nous demande de commenter un projet sur lequel même la ville n’est pas entièrement convaincue», lâche celui qui a participé à lancer une pétition de dernière minute contre les Vernets. Dans un quartier «aussi dense», il s’étonne par ailleurs de l’absence de parc pour les enfants. «L’immense parc du PAV, d’une superficie de 6 à 8 hectares, soit autant que le parc des Bastions, est situé à 5 minutes», rétorque Antonio Hodgers.