Cette fois, c’est officiel. Après plusieurs projets pilotes, une motion au Grand Conseil et un fort élan populaire, dix rues et places genevoises vont officiellement être rebaptisées en l’honneur de femmes illustres. A la Jonction, la rue Bergalonne, deviendra ainsi la rue Marguerite-Dellenbach du nom de celle qui dirigea le Musée d’ethnographie tout proche de 1952 à 1967. Le projet s’inscrit dans le plan d’action «Objectif zéro sexisme dans ma ville», adopté par le Conseil municipal en 2019. Au-delà du but visé, accroître la visibilité des femmes dans l’espace public, quelles sont les conséquences de ce changement pour les habitants concernés?

L’impulsion du collectif L’Escouade, qui avait lancé en 2019 le projet 100Elles* pour féminiser les rues genevoises, a porté ses fruits. Validés par le Conseil d’Etat le 26 août, les changements de noms proposés par la ville de Genève ont été publiés dans la Feuille d’avis officielle (FAO) le 28 août dernier. Les autorités disposent désormais d’un délai de trois mois pour effectuer le changement de plaques, soit jusqu’au 28 novembre. Dans la foulée, les locataires et entreprises concernés recevront un courrier informatif de la ville.

1500 habitants concernés

Combien sont-ils? «Environ 1500 personnes», répond Héloïse Roman, chargée de projet au service Agenda 21-Ville durable de la ville de Genève. Pour les habitants, le changement s’apparente à un «déménagement facilité». Le canton va communiquer de manière groupée auprès de l’Office cantonal de la population, des Services industriels, de La Poste ou encore des services de sécurité. Pour le reste, chaque habitant devra effectuer des démarches individuelles pour informer son opérateur téléphonique, son fitness, ou encore ses fournisseurs pour les entreprises, de la nouvelle appellation de sa rue. «L’enjeu étant de faire coïncider la pose des nouvelles plaques avec le changement d’adresse dans toutes les bases de données de l’administration cantonale, y compris les cartes», souligne Héloïse Roman. Pour faciliter la transition, l’ancien nom perdurera. Et si un habitant s’oppose à cette métamorphose? «Une fois que le Conseil d’Etat a validé la décision, il n’y a pas de voie de recours possible», précise-t-elle.

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Selon quels critères les rues ont-elles été sélectionnées? «Plusieurs arguments ont été pris en compte par la Commission cantonale de nomenclature, détaille Pauline de Salis, porte-parole du Département du territoire. Lorsque c’était possible, nous avons tenté de valoriser les femmes liées à des noms de rues existantes, telle Elisabeth Baulacre.» Autres critères: le lien avec le lieu, la taille de la rue – ni des impasses ni des avenues, afin de limiter l’impact sur les habitants – ou encore l’adhésion de la population. La forte opposition populaire a ainsi conduit à écarter le passage de rue Jean-Violette, dans le quartier de Plainpalais, à rue Grisélidis-Real, écrivaine et prostituée. Dénonçant une «atteinte à l’identité locale», les habitants avaient lancé une pétition baptisée «Ne touchez pas au nom de notre rue».

Autre appellation écartée à cause de la fronde des habitants: la place du Cirque qui devait porter le nom de la metteuse en scène Marcelle de Kenzac. «Pour ces noms-là, la ville devra faire de nouvelles propositions de rues», précise Pauline de Salis. Dernier critère enfin: la volonté de combler un décalage historique. La place des 22-Cantons, qui ne fait plus sens aujourd’hui, s’appellera désormais place Lise-Girardin, du nom de la première femme maire de Suisse. Celle qui présida la ville de Genève en 1968 fut aussi la première femme à être élue au Conseil des Etats en 1971.