590 fantômes sont sortis de l’ombre depuis 2015 à Genève. Des sans-papiers dont la situation a été normalisée et qui ont obtenu le permis B. Une première, pour un canton qui, depuis dix ans, tente de «lever une hypocrisie institutionnelle», selon le conseiller d’Etat Pierre Maudet. Lequel est parvenu à trouver une solution avec la Confédération, qu’il est venu défendre mardi devant la presse.

L’opération Papyrus, son nom de code, a jusqu’ici travaillé dans le secret. Elle devient mardi un projet en bonne et due forme, qui pourrait toucher une partie des 13 000 clandestins que compte le canton, selon les estimations. Il n’aura pas fallu, pour ce faire, changer la loi fédérale sur les étrangers. Tout au plus assouplir certains critères de la procédure mise en place avec le Secrétariat d’Etat aux migrations.

«Il s’agit de valider ce que la réalité a déjà établi»

Les candidats à la régularisation devront notamment avoir un emploi et être indépendants financièrement, avoir résidé cinq ans en Suisse au minimum pour les familles avec enfants ou dix ans pour les autres, ne pas avoir été condamnés pénalement et être intégrés. «Il s’agit de valider ce que la réalité a déjà établi», résume Pierre Maudet. Les demandeurs d’asile ne sont donc pas concernés. Sur les 590 personnes régularisées, on trouve 147 familles. Les pays de provenance sont l’Amérique latine, les Balkans et les Philippines. Le 76% des personnes concernées travaillent dans l’économie domestique.

Car la normalisation des clandestins vise aussi à assainir des secteurs économiques passés maîtres dans l’art de la sous-enchère salariale et du travail au noir. Les candidats à la régularisation devront en effet donner des informations sur leurs employeurs. Avec le risque que ceux-ci soient contrôlés par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail et éventuellement sanctionnés. Des mesures d’accompagnement et une campagne de contrôle seront aussi mises en place pour éviter tout «appel d’air». C’est sans doute le plus gros risque politique d’une telle action. Martine Brunschwig Graf, ancienne conseillère d’Etat, ne s’y est pas trompée: «Si ce projet est aujourd’hui possible, c’est qu’à Berne, la volonté politique a changé.»

(Développement suit)