Le gouvernement genevois est prié de réformer la protection de l’enfance
Genève
Une motion issue d’une commission du Grand Conseil donne raison à ceux qui dénoncent les défauts du système. La balle est maintenant dans le camp du Conseil d’Etat

Il ne manquait que le regard du politique sur les dysfonctionnements de la protection de l’enfance à Genève. C’est chose faite. Après deux ans de travaux, la commission des Droits de l’homme du Grand Conseil accouche d’un volumineux rapport sur le Service de la protection des mineurs (SPMI) notamment, en première ligne lors des séparations hautement conflictuelles. Ce rapport s’accompagne d’une motion de commission invitant le Conseil d’Etat à améliorer l’ensemble du dispositif. Elle donne raison à tous ceux, collectifs de parents en souffrance, psychiatres, avocats, qui dénoncent depuis des années un système engendrant ruptures affectives entre un parent et ses enfants ou placements abusifs.
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Psychiatrisation à outrance des conflits familiaux
La commission a ratissé large, après un gros travail d’analyse et de nombreuses auditions. En substance? Elle souhaite que Genève brise le monopole du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) en matière d’expertises psychiatriques, très décrié, et de celui du centre Therapea en matière de suivi des familles. Elle enjoint de mieux encadrer la procédure entourant ces expertises – lesquelles figent souvent les situations pour des années, puisque les tribunaux ne s’en distancient quasiment jamais.
Ayant décelé une psychiatrisation à outrance des conflits familiaux, elle réclame d’en user avec parcimonie. Elle prône la conciliation systématique en cas de procédure judiciaire et réclame de favoriser les solutions de placement au sein de la famille. Elle demande de présenter un projet de loi réformant la clause péril, qui doit rester une mesure de dernier recours, et à ce que le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE) statue dans un délai de 72 heures après audition des parties. Et cette liste n’est pas exhaustive. «Nous voulons en finir avec ce système qui fonctionne en vase clos et qui s’auto-alimente», résume Cyril Mizrahi, député socialiste et membre de la commission.
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Peu de solutions opérationnelles
Vaste programme. Tellement vaste qu’il pourrait rater sa cible, à vouloir balayer dans toutes les directions. Car si cette motion est à mi-chemin entre l’enquête et la veille, elle ne donne que des directions et peu de solutions opérationnelles. Avec pour conséquence de renvoyer la balle au gouvernement. Pas sûr que ce dernier ait cette volonté, à l’heure où Genève souffre d’autres maux – politiques, sanitaires, économiques.
Un doute renforcé par les propos du Département de l’instruction publique (DIP), qui se targue d’avoir déjà fait un bout de chemin: «Le département tient à rappeler que la révision du dispositif de la protection des mineurs est au cœur de ses préoccupations, avance son porte-parole, Pierre-Antoine Preti. Elle est inscrite dans le programme de législature de 2018. Les objectifs, les axes et le calendrier de la réforme ont été annoncés en janvier 2020. Depuis, le travail suit son cours avec les partenaires concernés.» Du français administratif en français commun, on signifie poliment que la grêle arrive après la vendange.
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C’est peu dire que les conclusions du rapport déçoivent Shady Ammane, du Printemps de l’égalité coparentale en Suisse (PECS), un collectif de parents: «Le rapport met dos à dos la parole des uns contre celle des autres, sans volonté claire de changer les choses dans ce qu’il faut appeler l’Enfance volée, acte II. Et ce malgré les preuves de dysfonctionnements que nous avons apportées et les représailles institutionnelles que nous avons subies pour avoir témoigné.» Si le rapport a le mérite de mettre en lumière des dysfonctionnements dénoncés depuis longtemps, les améliorations concrètes ne seront sans doute pas pour demain.
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