Genève
La ville de Genève a payé les billets d’avion alors que l’élu accompagnait une délégation du Conseil national dans les pays du Golfe. Le principal intéressé affirme s’être déplacé uniquement en sa qualité de conseiller administratif

Parmi les bizarreries liées aux notes de frais de la ville de Genève, une dépense de Guillaume Barazzone suscite de nouvelles interrogations. Le démocrate-chrétien, responsable du Département de l’environnement urbain et de la sécurité, a facturé à la municipalité les billets d’un voyage effectué dans les pays du Golfe avec une délégation du Conseil national. Après le champagne, les téléphones, les taxis et la confusion des cartes de crédit, vient s’ajouter le flou des casquettes. Le principal intéressé se défend de tout mélange des genres et assure «avoir effectué ce déplacement en qualité de membre de l’exécutif».
Crispations et contexte chahuté
Le tableau de la Cour des comptes – qui a procédé par échantillonnage – affiche zéro dépense de transport (hors taxis) pour Guillaume Barazzone en 2017 alors que le décompte plus précis fourni ensuite par le Conseil administratif évoque une somme de quelque 7000 francs pour ce même poste. Bien qu’avertie de cette omission lors de la formulation des commentaires, la cour n’a pas cru bon de l’intégrer. Le montant n’est en soi pas énorme mais son affectation provoque quelques crispations au sein du collège qui affronte un contexte passablement chahuté.
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Cette somme a servi à financer un périple dans les pays du Golfe, dont certains se demandent si la facture devait échoir à la ville. Du 6 au 12 octobre 2017, Guillaume Barazzone, présenté dans le communiqué comme conseiller municipal et également conseiller national, faisait partie d’une délégation officiellement invitée à Oman, au Koweït et aux Emirats arabes unis. Cette équipe de quatre personnes était emmenée par le Zurichois Jürg Stahl (UDC) en sa qualité de président de la Chambre du peuple. La conseillère nationale bernoise Christa Markwalder (PLR) était également du voyage ainsi qu’une spécialiste en politique extérieure des services du parlement.
«Une demande de Guillaume Barazzone»
Si les chambres d’hôtel étaient prises en charge par les pays hôtes, comme cela semble être la coutume lors de visites officielles de délégations suisses à l’étranger (ce dont Guillaume Barazzone a aussi bénéficié dans ce cas), le transport était aux frais des participants qui se voyaient ensuite indemnisés par les services du parlement. Rien de tel toutefois pour l’élu genevois. Contactés, les services financiers, rattachés au département de Sandrine Salerno, confirment que les frais de transport de ce voyage ont été pris en charge par la ville à hauteur de 7041,85 fr.
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Une partie de l’explication est à chercher du côté de la Berne fédérale. L’ancien président du Conseil national, Jürg Stahl, précise: «Guillaume Barazzone, qui avait été en lien avec la Oman Switzerland Friendship Association durant son année de mairie à Genève, a demandé à participer à ce voyage. J’ai accepté cette requête avec la condition que les coûts ne soient pas pris en charge par le parlement, car il venait essentiellement en tant que représentant de sa ville.»
Manque de curiosité
L’annonce de ce déplacement figure bien au procès-verbal de la séance du Conseil administratif daté du 26 juillet 2017. Il est simplement fait mention que l’exécutif «prend acte du voyage de Guillaume Barazzone du 6 au 12 octobre au Moyen-Orient». A ce propos, Sami Kanaan, maire de Genève, souligne qu’il n’y avait alors pas vraiment besoin de motiver un tel déplacement et que personne n’a émis d’objection. Dorénavant, il en ira autrement, assure l’élu socialiste.
«Le prochain règlement prévoit une validation en amont de la destination, des objectifs, de la composition de la délégation et des questions de financement par l’exécutif de la ville», souligne Sami Kanaan. En aval, le conseiller administratif concerné devra aussi faire un rapport sur la substance de son périple. Dans le cas de représentations régulières liées plus spécifiquement à la charge (par exemple l’Union des villes suisses), le rapport sera annuel.
Remercier le cheikh
Sur le contexte du voyage, Guillaume Barazzone donne une explication un peu différente de celle de l’ancien président du Conseil national. A l’entendre, ce n’est pas lui qui a demandé à faire partie du voyage. «Jürg Stahl m’a proposé d’accompagner sa délégation en tant que représentant de la ville de Genève. Il savait que je m’étais rendu dans la région en tant que maire, en novembre 2016, avec une délégation importante d’acteurs du tissu économique et institutionnel genevois.»
L’élu PDC ajoute «avoir accepté la proposition» et s’être uniquement rendu à Oman et au Koweït. Il n’a donc pas accompagné la délégation dans son ultime étape aux Emirats arabes unis et notamment à Abu Dhabi. Un voyage qu’il fera cinq semaines plus tard à l’occasion du fameux Grand Prix et dont les contours seront analysés par le Ministère public genevois.
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Pour en revenir à la délégation, où il dit avoir figuré en tant que conseiller administratif et sans toucher aucun jeton comme élu national – ce que confirme Cédric Stucky, le chef adjoint des relations internationales du parlement – Guillaume Barazzone assure que sa participation faisait sens pour la ville. «Ce voyage de 2017 m’a notamment permis de remercier en personne le cheikh koweïtien Nasser al-Mohammad al-Ahmed al-Sabah pour son don de plus d’un million de francs à l’Université de Genève en faveur de la recherche dans le domaine de l’eau.» La politesse n'a décidément pas de prix.