Accusé par le Ministère public genevois d’avoir violé, à plusieurs reprises, le secret de fonction que lui imposait son statut de magistrat titulaire de la Cour des comptes (CDC), Daniel Devaud a plaidé vendredi l’acquittement devant le Tribunal de police. Le jugement sera rendu ultérieurement.

Face au procureur général Olivier Jornot venu en personne porter les attaques, l’ancien juge défendu par Me Christian Ferrazino s’est présenté comme un «lanceur d’alerte» qui n’a pas eu d’autre choix, en octobre 2012, que de transmettre des documents internes à plusieurs députés du Grand Conseil pour les alerter sur les «dysfonctionnements», jugeait-il, dont était victime la CdC. Le magistrat, élu sur une liste de l’Alliance de gauche, estimait que ses collègues gelaient la publication d’un rapport d’audit sur la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (FPLC) pour des «motifs politiques».

«Aucune espèce de lancement d’alerte» pour le Ministère public

Aux yeux du procureur général, Daniel Devaud n’a pas poursuivi un tel dessein, mais s’est bel et bien engagé dans une croisade personnelle pour rétablir son honneur qu’il estimait avoir été bafoué par les déclarations du président de la FPLC dans les médias. Ce dernier avait qualifié l’audit de Daniel Devaud comme étant «indigent» et «médiocre». «Il n’y a là aucune espèce de lancement d’alerte, mais un lancement de défense de réputation», lancera Olivier Jornot. Le patron du parquet rappelle également que les collègues du magistrat l’avaient pourtant sensibilisé au secret de fonction auquel il était soumis, et ce, quelques jours avant que ce dernier n’envoie deux versions du projet de rapport ainsi qu’une lettre évoquant l’audit aux élus. Selon lui encore, la haute surveillance du Grand Conseil – comme stipulée dans la Constitution – n’autoriserait pas la Cour des comptes ou l’un de ses membres à divulguer des éléments de procédure aux députés.

«Ce dossier s’apparente à un règlement de comptes politique et non à une procédure judiciaire», dénonce Me Ferrazino, rappelant, pour preuves de la nécessité de la démarche de son client, qu’une commission d’enquête parlementaire avait été constituée par le Grand Conseil et que le rapport avait été finalement publié. Quant à savoir si Daniel Devaud pouvait transmettre des documents au Grand Conseil, la défense estime que oui. D’abord parce que les documents ne contenaient pas de «secrets». Ensuite parce que «le secret de fonction n’est pas opposable à l’autorité de surveillance de façon générale», selon un avis de droit du professeur de droit Etienne Grisel brandi par Me Ferrazino.