«Sur l’Europe, tous les partis ont manqué de courage»
Genève
Les relations entre la Suisse et l’Union européenne sont les grandes absentes des thématiques abordées lors de ces élections fédérales. Un débat co-organisé par le Club suisse de la presse et «Le Temps» a invité les candidats genevois au Conseil des Etats à parler de politique internationale

Pourquoi le thème des relations de la Suisse avec l’Union européenne est-il si peu présent durant la campagne pour les élections fédérales? «Parce qu’aucun des partis, y compris le mien, n’a eu le courage de s’insérer dans le calendrier qu’a su imposer l’UDC avec son initiative sur l’abandon de la libre circulation des personnes, sur laquelle le peuple devra voter en 2020.» La réponse de Béatrice Hirsch, candidate genevoise PDC au Conseil des Etats, a le mérite de la franchise. Elle n’en dresse pas moins un constat inquiétant: sur la question européenne, la Suisse est un animal immobile, aveuglé par les phares d’un camion qui lui fonce dessus, nuitamment, sur une route de campagne.
Jeudi soir, un débat co-organisé par le Club suisse de la presse et Le Temps a réuni les candidats genevois au Conseil des Etats autour du thème «Quelle politique étrangère pour la Suisse et quel rôle pour Genève?».
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«Pas de majorité sans clarification»
L’accord-cadre avec l’Union européenne a ouvert les discussions. A Berne, même les partis traditionnellement favorables à l’ouverture sur l’Europe ont adopté une position de repli, soulignant que l’accord proposé demandait à être amélioré. Ce délai supplémentaire a donc évacué ce sujet des débats en vue des élections. Il renvoie les discussions à après la campagne en vue de la votation sur l’initiative de l’UDC, qui aura lieu probablement en mai prochain.
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L’accord proposé «met en danger les mesures de contrôle sur les chantiers», a dit le socialiste Carlo Sommaruga, tout en soulignant être favorable au principe d’un accord-cadre. «Apporter des clarifications au texte actuel est nécessaire pour rassembler une majorité», a assuré de son côté le PLR Hugues Hiltpold, qui prévient cependant que de nouvelles négociations prendraient entre cinq et six ans. «Clarifier les points concernant les risques de sous-enchère salariale peut se faire par le biais d’annexes, a répondu la Verte Lisa Mazzone, et ne nécessitera pas de tout recommencer.» Pour Céline Amaudruz (UDC), l’accord ne convient simplement pas: «Le bonheur suisse n’a pas de prix. Il est construit sur une souveraineté législative que nous allons perdre si nous signons cet accord.»
Carlo Sommaruga a entonné un refrain nostalgique, au moment d’évoquer plus largement l’état de la politique étrangère de la Suisse. «Alors que notre pays a connu une période faste il y a dix ans, avec des initiatives dans la lutte contre la pauvreté, la promotion de la démocratie ou la protection de l’environnement, Ignazio Cassis incarne un repli.» Le conseiller national regrette le manque de réaction de la Suisse suite à l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, idem au moment où l’agence onusienne pour les réfugiés de Palestine, dirigée par un Suisse, a été malmenée.
Une COP à Genève?
Une grande initiative internationale tend pourtant les bras à la Confédération, s’est réjouie Lisa Mazzone, dont le parti propose que la Suisse, et pourquoi pas Genève, abrite la COP25, conférence internationale consacrée aux changements climatiques que le Chili a renoncé à organiser récemment.
A droite, la perspective de voir la Suisse siéger au sein du Conseil de sécurité de l’ONU divise. La neutralité suisse, «cet atout qui permet à la Confédération de jouer un rôle unique au monde», ne survivrait pas à ce mouvement, assure Céline Amaudruz, fermement opposée à cette idée. «La Suisse peut au contraire revendiquer ce siège, a répondu Béatrice Hirsch. Elle aurait un rôle important à jouer pour créer des ponts. Et l’exemple de l’Autriche montre qu’il est possible d’y siéger comme nation neutre.» Cette présence «aurait le mérite de marquer la position de la Suisse au sein du concert des nations», a renchéri Hugues Hiltpold.
A Genève, le second tour des élections au Conseil des Etats aura lieu le dimanche 10 novembre.