L’Office des poursuites de Genève: bazar éternel ou bazar en voie d’assainissement? C’est la question qui agite la République depuis lundi, lorsqu’une sous-commission de la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil a mis un grand coup de pied dans ce dossier avec un rapport accablant. La contre-offensive ne s’est pas fait attendre. Mardi, le conseiller d’Etat Serge Dal Busco, en charge des finances, s’est livré devant la presse à un exercice de recadrage: «Je ne suis pas de nature à chercher la bagarre. Mais il fallait rectifier certaines choses. Ce rapport donne le sentiment de dénigrer, en s’appuyant sur des faits alternatifs et une méthodologie contestable».

Que dit ce rapport, établi après un an d’investigations par les députés Alberto Velasco (PS) et Sandra Golay (MCG)? Il pointe du doigt un dysfonctionnement général, dû en partie à un changement de système informatique en 2016. Cette bascule non réussie a fait apparaître 60 000 doublons dans les fichiers (une personne peut se retrouver de trois fois à cinquante fois), autant de commandements de payer bloqués, 14 000 faux débiteurs, 2,5 millions de francs d’émoluments en attente d’être versés et 10 millions de francs en déshérence. Sans compter un taux d’absentéisme qui frôle les 10%, un fonctionnement clanique préjudiciable à l’efficacité et une gestion des ressources humaines à la va-comme-je-te-pousse. Mais les griefs ne s’arrêtent pas là. Le rapport fait état d’allégations qui relèvent du pénal: harcèlement sexuel, vol, corruption.

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«Les clans, je m’en occupe»

Autrement dit, tous les ingrédients d’un rapport à charge, selon Serge Dal Busco. Car ces chiffres ont décru et des améliorations ont été apportées entre l’enquête de la sous-commission et la situation actuelle: «On n’a pas mis la poussière sous le tapis et ce rapport arrive comme la grêle après la vendange», affirme le ministre. Depuis la nomination, en été 2014, du nouveau préposé Philippe Dufey, deux directeurs et plusieurs cadres ont été remplacés, l’organisation a été repensée pour éviter les cloisonnements. «Aujourd’hui, les gens se parlent, et les clans, je m’en occupe», assure le préposé.

En mars de l’année dernière, l’arrivée d’un nouveau logiciel informatique chargé de remplacer un outil obsolète datant de 1985 (!), va cependant mettre cul par-dessus tête le service entier. Des doublons apparaissent, des stocks s’accumulent, les usagers n’y comprennent plus rien. Au point qu’il faut appeler des étudiants et des auxiliaires en renfort. Depuis, cela va mieux, assure le grand argentier. Il fait valoir que le nombre de réquisitions de poursuite en stock a passé de 55 000 en mai 2016 à 15 000 actuellement. Le temps de traitement a aussi baissé de moitié.

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«Allégations enfumées dans le conditionnel»

Si Serge Dal Busco dit «rejoindre globalement les conclusions du rapport» sur un office qui donne du fil à retordre depuis plus de quinze ans – il a même coûté son siège au ministre radical Gérard Ramseyer en 2001 –, un autre aspect provoque aussi son courroux: le manque de rigueur et le recours aux allégations. Avec 10% de collaborateurs auditionnés, le tableau n’est pas représentatif, note-t-il. D’autant plus que l’un d’entre eux est en litige avec l’OP et un autre a quitté le service il y a dix ans. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’ils exposent des doléances.

Le ministre dénonce aussi une confusion entre faits et jugements de valeur des auteurs. Ainsi que «des allégations enfumées dans le conditionnel» et le recours aux verbes impersonnels, avec pour conséquence de laisser planer le soupçon sans apporter de preuves. S’agissant des dénonciations relevant du pénal et qui datent d’avant l’arrivée du nouveau préposé, la sous-commission a saisi la Cour des comptes pour faire la lumière. Mais cela ne satisfait pas Serge Dal Busco: «Soit ces faits sont étayés et ils doivent être dénoncés au procureur, soit il s’agit de supputations et elles ne doivent pas figurer dans le rapport.» Qu’en pense Sandra Golay, auteure du rapport? «Le travail de député n’est pas le même que celui d’un service d’audit. Nous avons considéré ces allégations comme telles et nous les avons transmises à la Cour des comptes, plus compétente pour les approfondir.»

«Régler une fois pour toutes les problèmes qui datent de vingt ans»

A en croire le ministre des finances, l’incurie de l’Office sera bientôt de l’histoire ancienne. «Je veux régler une fois pour toutes les problèmes qui datent de vingt ans». Et ce ne sont pas les recommandations de la sous-commission qui l’y incitent, puisqu’une bonne partie «a déjà été réalisée ou sont en cours». Reste que le rapport de la sous-commission tombe à un moment où, électoralement parlant, il aurait sans doute préféré que l’Office des poursuites règle son bazar en silence.