Menaces de purges au Parti socialiste genevois
Genève
Deux militants dont un député sont menacés d'exclusion. Ils dénoncent l'absence de débat au sein d'un parti qui serait miné par les ambitions personnelles

Il est triste et accablé, Alberto Velasco, vieux briscard du PS genevois, infatigable militant, député au Grand Conseil. Triste et accablé devant l’attaque qu’il vient de recevoir d’un conseiller municipal de Bernex. Celui-ci, dans un courriel envoyé à la direction du parti évoque, sans le demander formellement, une mise à l’écart éventuelle.
Qu’est-ce qui a valu à Alberto Velasco les foudres de ce camarade? Mi-mai, Le Temps révélait que les sections Ville de Genève et Vernier du Parti socialiste connaissaient une explosion suspecte de leurs membres. Quelques jours plus tard, l’assemblée générale envoyait deux candidats de ces sections, Sandrine Salerno et Thierry Apothéloz, à la course au Conseil d’Etat, aux côtés de la sortante Anne Emery-Torracinta. Alberto Velasco réagissait alors dans la Tribune de Genève en affirmant «qu’il y a eu magouille au sein du PS». Un discours qui n’a pas passé.
«Ces procédés ressemblent à une purge»
Si cette manœuvre n’aboutira probablement pas à une procédure d’exclusion, elle n’en est pas moins intimidante. «Au sein de notre parti, cela fait des années qu’il n’y a plus de débat, affirme une personnalité importante qui préfère l’anonymat. Ces procédés, maladroits stratégiquement, ressemblent à une purge».
Purge? Si Alberto Velasco sent le vent du boulet, un autre militant, lui, va peut-être en faire les frais: Manuel Alonso Unica, candidat au Grand Conseil, connu pour deux raisons au moins. La raison prosaïque: sa pétition au Grand Conseil contre les amendes infligées aux propriétaires de chiens qui urinent sur la voie publique. La raison idéologique: ses insinuations répétées, via les réseaux sociaux et son blog, contre «l’aile droite» du parti.
Florilège: «Les sociolibéraux commencent à me dégoûter… Des copains placés à de bons postes grâce à la méthode copinage… J’ai mis les pieds dans une section qui mérite du nettoyage au Karcher, surtout depuis le haut!» Et dans un même élan, il dénonce au Temps «l’aile du PS de la droite macronienne et ses manœuvres électoralistes». Des commentaires peu amènes qui ont fâché.
«Le parti veut me museler»
L’impulsif avait déjà été remis à l’ordre une fois, sommé de modérer ses propos. Mais son tempérament a cédé devant les soupçons sur des adhésions artificielles. Considéré dès lors comme un récidiviste, il connaîtra son sort le 5 juillet prochain, où son exclusion sera soumise à l’assemblée générale. «Si c’est le cas, je ferai recours, avertit-il. Car le parti veut me museler, alors que je défends l’intérêt des locataires, de l’emploi et des démunis».
Que se passe-t-il donc au parti socialiste genevois? Il faut écouter Manuel Tornare pour se faire une idée du climat qui règne: «Je ne sais pas si c’est la canicule qui les rend nerveux, mais j’ai envoyé un mail à toutes les instances du parti en leur proposant de se calmer!». Du haut de ses vingt-cinq ans de militantisme, Alberto Velasco jure qu’il n’a jamais vu cela avant et pointe du doigt en premier lieu la magistrate de la Ville, Sandrine Salerno: «Notre parti est miné par sa soif de pouvoir et les ambitions personnelles de quelques autres. Au détriment du militantisme et du débat, ferment de la sociale démocratie». Il dénonce les efforts de séduction exercés sur des jeunes qui, une fois entrés au parti, comme par un heureux hasard, trouveraient du travail à la Ville. Avec pour corollaire de faire allégeance à ces mains qui les nourrissent. Il dénonce une «prise de pouvoir» depuis l’assemblée générale. Il regrette que le parti soit passé «de la politique à la morale» et que sa lecture en revienne aux technocrates.
S’il est le seul à le dire ainsi, il n’est pas le seul à le penser. Un autre ponte glisse: «A la Ville règne un phénomène de cooptation. Les magistrats ont la mainmise sur leur section. On doit aussi parler d’une grande proximité entre ceux qui travaillent à la Ville et qui font de la politique». Présidente du parti, Carole-Anne Kast n’a pas retourné nos appels. De son côté, Sandrine Salerno fait savoir qu’elle ne souhaite pas commenter une décision qui appartient à la section et que sa position de conseillère administrative n’est pas pertinente en la matière.
Quoi qu’il en soit, l’atmosphère paraît tendue au PS. «Si je devais être expulsé, je demanderais à être sur la liste d’Ensemble à gauche ou des Verts, comme indépendant», avertit Alberto Velasco. Mais il n’aura sans doute pas besoin de dire adieu à son cher vieux parti.