Il y a tout juste une semaine, le monde de la nuit genevois s’est retrouvé stoppé dans son élan. A la suite d’une recrudescence des cas de Covid-19, le Conseil d’Etat a annoncé la fermeture des boîtes de nuit le vendredi 31 juillet, en fin d’après-midi. Une décision immédiate et une manière de faire qui fâchent le secteur de la fête.

«Il a fallu réagir en quelques heures, voire minutes, raconte Guillaume Noyé, trésorier du comité du Grand Conseil de la nuit. Les soirées étaient sur le point de commencer. Il a fallu décommander des artistes et du personnel déjà en route depuis d’autres cantons.» Sur sa page Facebook, l’association, qui compte une vingtaine de membres dont l’Usine, le Chat noir et l’Audio, a publié mercredi un communiqué de presse pour exprimer son mécontentement.

Dialogue impossible

Mauro Poggia, chef du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES), comprend que cette décision prise dans l’urgence puisse fâcher. Il soulève toutefois que «plus d’une vingtaine de foyers épidémiques ont été mis en évidence dans des bars et boîtes de nuit ces dernières semaines, et qu’il aurait été irresponsable de ne pas intervenir immédiatement».

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De son côté, Guillaume Noyé est clair: ce n’est pas la fermeture en soi qui contrarie l’association, mais le manque de communication. Car si l’association salue l’écoute et l’entraide de la part de l’équipe du médecin cantonal, elle regrette que d’autres services restent sourds à ses sollicitations, dont le DSES.

«Cette décision est tombée dix jours après que nous avons tenté d’obtenir un rendez-vous avec le service de Mauro Poggia, poursuit Guillaume Noyé. Nous souhaitions établir différents scénarios ensemble et montrer que nous étions proactifs. Mais nous n’en avons pas eu l’occasion.» Même si lors de la conférence de presse du 31 juillet, Mauro Poggia annonçait son intention de rencontrer le comité au plus vite.

«Lever le flou»

Les fameux foyers épidémiques, comme celui déclenché à la mi-juillet au Rooftop 42, ont conduit à cette décision. Si les autorités parlent d’un chiffre de 40% des cas positifs issus des lieux festifs, le Grand Conseil de la nuit regrette de ne pas avoir accès à des données précises.

Et les erreurs de l’OFSP n’aident pas à restaurer un climat de confiance. Selon les chiffres nationaux publiés au moment de la décision du Conseil d’Etat, les boîtes de nuit étaient responsables de 42% des infections. Avant de descendre à 1,9%, dimanche, après correction. «Un tel inversement de tendance entre les niveaux cantonal et national paraît étrange, souligne Guillaume Noyé. Pour lever le flou, ces données devraient être rendues publiques.»

Un cafouillage qui n’a «aucun lien avec la situation du canton», selon Mauro Poggia: «Les corrections de l’OFSP n’ont aucune incidence sur les données genevoises récoltées par l’équipe de traçage du médecin cantonal. Je reste d’ailleurs persuadé que les chiffres rectifiés de l’OFSP sont sujets à caution, ce d’autant que dans plus de 50% des cas l’origine de la contagion n’a pas été précisée.»

Un risque de faillites

Autre point soulevé par le Grand Conseil de la nuit: l’avenir incertain des nuits genevoises. Fin août, les indemnités de réduction d’horaire de travail (RHT) toucheront à leur fin. Et si la demande d’indemnisation dispose d’un délai allongé jusqu’à septembre, certains clubs attendent encore une réponse à leur dossier déposé en mai. Donc cette nouvelle fermeture, après quatre mois d’arrêt, c’est un peu le coup de grâce.

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A la Gravière, les soirées n’étaient déjà pas rentables à cause de la limitation à 300 personnes. «Au-delà d’un nouveau coup dur pour le moral, cette décision nous met une fois de plus en difficulté financière avec des frais engagés sans recettes, se désole Céline Tharreau, coordinatrice de la boîte de nuit située au bord de l’Arve. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas envisager de rouvrir pour accueillir moins de 300 personnes.» A ce sujet, Mauro Poggia indique que le préjudice économique subi par ce secteur fera prochainement l’objet d’un examen du Conseil d’Etat.