Les mystères qui entourent encore le meurtre de la petite Semhar
Justice
Les enquêteurs sont venus témoigner au quatrième jour du procès de Genève. Leurs investigations n’ont pas permis de lever toutes les zones d’ombre de cette affaire. Le prévenu conteste les faits gravissimes

A mille lieues des séries télévisées et autres épisodes des «experts», le travail de la police scientifique n’éclaire pas de manière déterminante le meurtre de la petite Semhar. De mémoire d’inspecteur, «c’est une des affaires où il y a eu le plus grand nombre de prélèvements effectués». Pourtant, l’analyse des traces s’est souvent révélée incertaine. Le quatrième jour du procès de Kaleb*, chauffeur de taxi éthiopien accusé de toutes ces horreurs, consacré au témoignage des enquêteurs, a souligné certains des mystères de ce dossier.
Deux paires de policiers à la barre du Tribunal criminel de Genève. La première s’est occupée des indices présents sur la scène de crime. Force est de constater que le viol et l’étranglement de la fillette de 12 ans ne portent aucune signature évidente. Pas de liquide séminal et pas d’empreintes génétiques accablantes. Mais certaines traces bien compromettantes pour Kaleb.
Deux ADN inconnus
Le grand manitou de l’ADN, spécialiste au sein du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), dira ce vendredi ce qu’il faut penser des profils «partiels» mis en évidence sur le slip de la petite ou encore sous le lit où son corps était dissimulé. En attendant, les inspecteurs de la brigade technique et scientifique n’ont pas pu certifier que les traces, révélées à l’aide de luminol, étaient bien du sang.
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Sur le volant du taxi conduit par Kaleb, par exemple, la quantité était trop faible et la réaction trop brève pour déterminer l’origine de la substance et savoir si du sang de Semhar avait pu être transporté jusque-là. Sans compter que la police a oublié de demander un test subséquent et qu’il sera ensuite trop tard pour le faire, le matériel ayant déjà été épuisé dans la recherche génétique.
Parmi les mystères de cette affaire, il y a la présence, dans l’appartement, de deux ADN inconnus. «Ceux-ci, compris dans des mélanges complexes, sont impossibles à comparer avec la banque de données», précise le policier. La défense s’est aussi étonnée de ne rien lire dans les rapports sur le t-shirt blanc porté par Kaleb le soir où il est accusé d’avoir assassiné la victime et manipulé son corps. «L’examen visuel n’a rien montré, alors ce vêtement n’a pas été analysé», explique encore l’enquêteur.
Entraide inédite avec l’Ethiopie
Deux inspecteurs de la brigade criminelle prennent la relève à la barre. Eux aussi n’ont pas toutes les réponses. La clé de Semhar tout comme celle du prévenu n’ont jamais été retrouvées. Il n’a pas été possible de déterminer quand la victime s’est connectée à sa console de jeux, qui marquait une heure vingt d’activité ce 23 août 2012. Enfin, impossible également d’analyser le digicode de la porte de l’immeuble pour savoir qui aurait pu taper les touches et à quelle heure. Quant au couple de jeunes un peu louches et à l’homme à la cravate aperçus par des voisins, ils n’ont jamais été identifiés.
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Les policiers ont par contre démontré qu’il était possible pour le prévenu de soulever le lit tout seul afin de glisser le corps dessous. Pour ce faire, il devait toutefois utiliser une cale et faire les choses en deux temps. Les inspecteurs précisent encore que les soupçons se sont très vite portés sur lui. Il y avait ce secret entourant sa liaison avec la mère de la victime. «Cela nous a tout de suite interpellés.» Le fait qu’il ait accès à l’appartement à l’aide d’une clé ou puisse se faire facilement ouvrir la porte par Semhar «a été un aspect pris en considération».
Cette terrible affaire aura aussi donné l’occasion aux enquêteurs de se rendre à Addis-Abeba pour entendre une ancienne compagne du prévenu dire à quel point il était violent. «A notre connaissance, c’est la première commission rogatoire acceptée par l’Ethiopie sur demande de la Suisse.»
*Prénom d’emprunt.