voile
Fin juin, la caméra de Léman bleu révèle une élève de l’école primaire recouverte d’un voile. Un député a déposé une question urgente au Conseil d’Etat, qui botte en touche

Elle est vêtue d’une robe longue bleu pétrole et d’un voile noir qui encadre son visage et recouvre ses épaules. Son petit chapeau jaune en carton n’en paraît que plus ironique. La fillette doit avoir moins de 10 ans, elle défile au cortège de la Fête des écoles à Genève, le 28 juin dernier, et salue la caméra de Léman bleu en souriant.
Il n’en aura pas fallu davantage pour soulever l’ire des laïcs engagés, pour qui le sourire de la gamine ne saurait cacher une stigmatisation inacceptable et le risque de banalisation du port du voile à l’école. Le député au Grand Conseil Pierre Gauthier, président du nouveau Parti radical de gauche, prend aussitôt sa plume pour rédiger une question urgente à l’adresse du Conseil d’Etat. «Quelles dispositions allez-vous prendre afin de faire immédiatement cesser la maltraitance des fillettes scolarisées à Genève et obligées de se soumettre à des pratiques barbares contraires à leurs droits les plus élémentaires?» interroge-t-il. «J’ai choisi d’interpeller le Département de l’instruction publique sur la question de la contrainte au sens du Code pénal et pas de la religion, car je suis lassé d’entendre dire que je suis un anti-religieux primaire. Le voilement de cette fille si jeune est parfaitement scandaleux.»
Sujet sensible
Il en faudrait plus pour épouvanter le DIP. Par l’intermédiaire de son porte-parole, Pierre-Antoine Preti, il affirme avoir mené une investigation à la suite du dépôt de cette question urgente à laquelle il répondra à la rentrée. Au terme de laquelle, surprise! La fille de la photo n’existe pas. L’école Liotard, où la petite serait scolarisée selon le député, ne semble pas connaître de fillette vêtue du voile. Et comme elle porte un panneau qui n’est pas déchiffrable, la retrouver est plus difficile qu’il n’y paraît, selon le DIP. «Rien ne nous permet donc de nous prononcer, résume-t-il. On pourrait même imaginer qu’elle soit déguisée, ou qu’elle soit fraîchement arrivée de l’étranger. Le cas mériterait d’être mieux renseigné avant d’en faire une question politique.»
Si l’on ajoute à cela les vacances du corps professoral et la sensibilité du sujet, il est à craindre que la fillette voilée restera, aux yeux du département, une mystérieuse apparition. Ce qui fait bondir Pierre Gauthier, qui voit d’autres motifs à la cécité du département d’Anne Emery-Torracinta: «La stratégie du DIP est de ne jamais faire de vagues. Encore moins à quelques mois des élections.»
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Brochure concernant la laïcité à l’école publiée
A l’automne dernier, le DIP a publié une brochure, distribuée à ses 9400 collaborateurs, rappelant les principes de la laïcité à l’école. On y apprend notamment que les signes religieux visibles – voile, kippa ou croix – s’ils sont interdits chez les enseignants, sont tolérés chez les élèves, pour autant qu’ils ne représentent pas un danger pour ceux-ci.
«Quant à la maltraitance dont parle Pierre Gauthier, l’Etat connaît des dispositifs de prise en charge, comme le Service de protection des mineurs, qui ne manqueraient pas d’intervenir le cas échéant», rappelle Pierre-Antoine Preti. Sauf que dans le cas d’espèce, il faut entendre le terme maltraitance en lui ajoutant le préfixe méta. La fille de la photo est victime d’une guerre sémantique, parce que idéologique.