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Les nounous des enfants de députés payées par l’Etat?

La gauche de la gauche genevoise dépose un projet de loi qui prévoit le remboursement des frais de garde des élus cantonaux pendant les sessions. Même à gauche, le projet en fait tousser plus d’un

Jocelyne Haller, députée d'Ensemble à gauche: «Le remboursement des frais de garde serait bienvenu pour favoriser les femmes en politique.» — © Salvatore di Nolfi/KEYSTONE
Jocelyne Haller, députée d'Ensemble à gauche: «Le remboursement des frais de garde serait bienvenu pour favoriser les femmes en politique.» — © Salvatore di Nolfi/KEYSTONE

S’il est une chose qu’Ensemble à gauche sait faire, c’est en appeler à la générosité de l’Etat. Cette fois-ci, c’est en faveur de ses propres élus qu’elle tend la sébile. Plus précisément ceux qui doivent faire garder leurs enfants quand ils siègent au Grand Conseil. Le parti a en effet déposé cet été un projet de loi qui prévoit le remboursement des frais de garde des députés.

Est-ce bien habile, pour un parti qui ne manque jamais une occasion de réclamer des hausses d’impôts, de se battre pour un privilège à un mois des élections fédérales? «Nous sommes tout à fait cohérents, puisque nous nous battons aussi pour la baisse significative des tarifs des crèches, voire la gratuité, répond la députée Jocelyne Haller.» Ensemble à gauche compte convaincre le reste de la gauche avec un argument autrement porteur: l’égalité entre femmes et hommes. «Le statut social et professionnel, les origines, le genre, pèsent lourd dans l’accession à la politique, explique Jocelyne Haller. Cette mesure serait bienvenue pour favoriser les femmes en politique, sans que celle-ci génère de surcoûts.»

«Véritable chef-d’œuvre sur le thème servons-nous d’abord»

Ce parti a de bonnes chances de convaincre les socialistes, qui ont aussi cette mesure au programme. Mais pas tous, à l’instar du député socialiste Alberto Velasco qui qualifie ce projet de loi de «véritable chef-d’œuvre sur le thème servons-nous d’abord». Il poursuit: «Commençons par accorder cette prestation aux femmes qui travaillent dans le nettoyage des bureaux, aux caissières et aux infirmières. Après, si le budget le permet, on pourra s’occuper des députés prétérités. S’il y en a un, qu’il lève le doigt! Personnellement, je n’en ai pas trouvé un seul.»

Chez les Verts, Mathias Buschbeck n’a pas le même mordant, mais il admet être mal à l’aise avec cette idée: «J’estime que nous sommes, comme députés, suffisamment rémunérés par nos jetons de présence sans réclamer davantage. Même si ce coût ne serait pas faramineux, vu la moyenne d’âge au Grand Conseil.» Si ce député est conscient que son avis ne fera sans doute pas l’unanimité au sein de son parti, il rappelle que la solution préconisée par les Verts s’oriente plutôt vers une modification des horaires des séances que vers une nouvelle indemnité. «Nous gagnons 160 francs par heure de jetons de présence, alors qu’une nounou n’a a priori pas de master en sciences sociales», complète ironiquement Alberto Velasco.

«Argument fallacieux»

Et si les députés d’Ensemble à gauche doivent rétrocéder 75% de leurs jetons au parti, c’est un choix politique que le contribuable n’a pas à assumer, selon les détracteurs de ce projet. D’autant plus que la loi prévoit désormais un apport de 100 000 francs par an pour chaque parti représenté au parlement, plus 7000 francs par élu. «Cela rend l’argument d’Ensemble à gauche fallacieux, car les rétrocessions des jetons de présence sont moins vitales pour les partis qu’avant», complète Mathias Buschbeck.

L’indemnité pour frais de garde liés à l’exercice du mandat existe déjà en ville de Genève, selon un système souple où il appartient aux chefs de groupe de valider les frais. Pas sûr que la symétrie de la générosité, si elle se plaide auprès des concernés, soit populaire.