Polémique autour de l'engagement de frontaliers dans une fondation subventionnée
Genève
Le conseiller d'Etat Mauro Poggia estime que la fondation de droit privé Clair-Bois – alimentée par des fonds publics – a désobéi à une directive cantonale visant à favoriser «à compétences égales» l'engagement de ressortissants genevois sans-emploi. Le président de la fondation réfute

Une affaire agite depuis jeudi le canton de Genève: l’engagement de deux travailleurs frontaliers au sein de la fondation Clair Bois. Comme le révèle la RTS, le conseiller d’Etat MCG Mauro Poggia a exigé le licenciement de l’un d’eux, avançant que la fondation de droit privé – mais subventionnée par le canton – avait bafoué la directive de «préférence cantonale». Entrée en vigueur en 2015, cette dernière vise à favoriser, «à compétences égales», l’engagement par les collectivités publiques de ressortissants genevois sans-emploi au détriment de ressortissants frontaliers.
Or, le magistrat affirme que d’autres postulants – des chômeurs genevois – disposaient de compétences équivalentes. L’Office cantonal de l’emploi avait proposé «une quinzaine de candidats genevois qualifiés pour les deux postes», écrit la RTS.
«On se fout de ma gueule», dit Mauro Poggia
Ces places de travail ont été attribuées à deux Français établis en Haute-Savoie. Si le premier dispose déjà d’un permis frontalier et travaillant depuis «quelques années» en Suisse, le second doit obtenir un nouveau permis G pour décrocher l’emploi. Par ailleurs, tous deux sont domiciliés dans le même village que le directeur adjoint de la fondation Clair Bois. Deux éléments suffisants pour susciter les ires de l’édile MCG: «C’est un village, et ils ne se connaissent pas… Soit. Je ne peux pas prouver qu’ils se connaissent, mais c’est quand même assez surprenant. Là, on se fout de ma gueule», déclare même Mauro Poggia à 20 Minutes.
«Les seuls bons dossiers étaient ceux des frontaliers»
Interrogé au 12h30 de la RTS, le président de la fondation, Horace Gautier, goûte peu les insinuations de «copinage» de la part du conseiller d’Etat, rappelant au quotidien gratuit que «les seuls bons dossiers étaient ceux des frontaliers». Et précise que les décisions prises en matière d’embauche ont été conformes aux politiques de la maison. Le président affirme ne pas vouloir donner raison, pour l’heure, à l’injonction de Mauro Poggia. «Cela nous semblerait abusif […], c’est une personne qui donne satisfaction». Par ailleurs, Horace Gautier juge qu’il n’est pas «franchement clair» que la directive cantonale s’applique à une fondation de droit privé, certes subventionnée.
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Commentaire
Une affaire qui tombe à pic
Alors que le Mouvement citoyens genevois s’entre-déchire, cette affaire tombe à point nommé pour Mauro Poggia, à croire presque qu’il aurait lui-même contacté la RTS pour lui faire part de son indignation. Mais ce serait là, faire preuve d’une trop grande affinité avec les adeptes des théories du complot. Le magistrat peut désormais s’enorgueillir d’incarner la boussole idéologique d’un parti dans la tempête, tiraillé entre son flanc social et sa frange libérale. Il engrange vraisemblablement par la même occasion des voix qui lui seront précieuses pour les élections cantonales de 2018. Surtout si son parti ne se contente que de survivre à la disparition de son président d’honneur démissionnaire, Eric Stauffer. (O. F.)