Les prosélytes s’obstinent à offrir des Bibles aux élèves
Religion
Cette semaine, l’association internationale des Gédéons a abordé des élèves à la sortie d’un cycle dans le canton de Genève. Son président s’en explique et déclare vouloir faire de même à Lausanne

«Aujourd’hui nous offrons un cadeau à tous les élèves, une Bible». C’est avec ces mots que les enfants du cycle d’orientation de Drize à Carouge ont été abordés mercredi à la sortie de l’école: «Ça m’a étonné, témoigne un garçon, c’est un peu comme si on distribuait des crucifix. Mais je l’ai prise, tout comme mon copain musulman, parce que si on croit en Dieu, on ne met pas ce livre à la poubelle.»
Dans un canton où la laïcité règne à l’école, cette distribution de l’Association internationale des Gédéons, une organisation évangélique américaine, a froissé de nombreux parents. Mais son responsable romand Jean-Daniel Zürcher, ancien conseiller municipal de Villars-Sainte-Croix, ne s’en émeut pas: «A 11 ans, un enfant a suffisamment de discernement pour accepter ou refuser un livre religieux. Nous sommes un pays judéo-chrétien et il nous paraît normal de délivrer ainsi la bonne parole».
Nous ne cherchons pas des adhérents, nous ne sommes pas une Eglise
Pour lui, ce n’est pas du prosélytisme: «Nous ne cherchons pas des adhérents, nous ne sommes pas une Eglise, pas des évangélistes mais des professionnels qui propageons la parole de la Bible». Fondée au dix-neuvième siècle aux Etats-Unis, cette association est une œuvre philanthropique interecclésiastique de sensibilité évangélique pourtant. «Issu du mouvement piétiste, c’est un courant traditionnel et conventionnel, mais pas agressif dans son prosélytisme», explique Christophe Monnot, sociologue des religions à l’Université de Lausanne. Dans le magazine d’information protestante évangélique Christianisme aujourd’hui, les Gédéons se vantaient d’avoir distribué 1836 Nouveaux Testaments aux abords des cycles d’orientation en 2010 à Genève.
Il ne nous appartient pas de sécuriser le chemin de l’école
Qu’en dit le Département de l’instruction publique (DIP)? «Notre action se limite au périmètre scolaire durant les horaires de cours, explique Pierre-Antoine Preti, porte-parole. Il ne nous appartient pas de sécuriser le chemin de l’école». En effet, cette affaire ne s’est pas déroulée dans le préau, mais à l’arrêt de bus qui le jouxte. Comme il appartient aux communes de régler le colportage, il aurait fallu une dénonciation pour que la police municipale intervienne. «Car ils n’ont pas demandé d’autorisation d’utiliser l’espace public», atteste le maire de Carouge, Alain Walder. L’auraient-ils fait qu’ils ne l’auraient pas obtenue: «Lorsque le prosélytisme est ciblé sur des mineurs, c’est inacceptable», estime-t-il.
Flou juridique
Le droit suisse étant assez permissif quant à la liberté d’opinion et de diffusion des idées, le flou règne au niveau juridique. Jean-Daniel Zürcher le sait et compte bien en profiter: «Il est légal de distribuer des livres sur la voie publique, notre constitution le permet. Nous l’avons déjà fait et nous le referons». Prochaine cible, la Haute école pédagogique du canton de Vaud à Lausanne, «où nous allons distribuer le Nouveau Testament à ses 2500 étudiants». Mais à Genève, la nouvelle loi sur la laïcité, si elle devait être acceptée en votation populaire, mettrait fin à ce genre de démarche en les soumettant à autorisations, fait savoir le canton.