En dépit de l'affaire Maudet qui a plongé le PLR genevois dans une crise monumentale, son président, Bertrand Reich, a su convaincre qu'il restait l'homme de la situation. Le rôle du fanal dans la tempête, en quelque sorte. Par 238 voix contre 174 et 10 abstentions, l'assemblée générale des délégués, réunis en une visioconférence fleuve mercredi soir, l'a reconduit dans ses fonctions.

Ils ont choisi la continuité, au détriment du renouveau que leur promettait sa challenger, Sophie Creffield. «Nous allons donc pouvoir maintenant nous remettre à travailler sérieusement mais sans se prendre au sérieux, avec bonheur», a réagi Bertrand Reich, manifestement heureux et soulagé à l'issue du vote.

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Un président chahuté, une concurrente qui le tacle

Il faut dire qu'il était assez chahuté, ces derniers temps. Il aura d'ailleurs fallu trois heures pour parvenir au vote. Trois heures durant lesquelles les délégués ont pu constater que sur les valeurs défendues et les projets, les deux candidats n'étaient pas opposés. «Je n'ai pas compris ce qui vous sépare, a ainsi réagi un membre. Qu'apportez-vous de plus que la concurrence?» Si Bertrand Reich a dit avoir beaucoup hésité à se représenter, c'est finalement porté par «un projet, une envie, une ambition collective», et le désir de terminer le travail entrepris, «malgré le séisme de l'élection complémentaire [qui a vu la perte du siège PLR de Pierre Maudet], un séisme pour le parti, et pour la présidence». Et de conclure: «Qui à part nous pour parler de liberté? De la nécessité de la prospérité? Pour dire que le succès n'est ni une honte, ni une infamie?»

Sophie Creffield, elle, a logiquement davantage taclé son concurrent: «Nous n'avons ni direction claire, ni approche stratégique. Nous avons perdu un conseiller d'Etat et deux députés. Les prochaines élections, c'est demain. Mon fils, tout juste majeur, n'a pas pu voter PLR au deuxième tour, faute de candidat.» Et d'appeler à ce que cela change en 2023.

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Le trauma Maudet

A l'heure des questions, nombreuses, les divergences liées à la question Pierre Maudet ont été peu évoquées, même si celle-ci, qui divise encore, paraissait en filigrane. Désemparés, certains membres se demandaient comment redonner la confiance à l'électorat. D'autres ont insisté sur la nécessité d'alliance de la droite élargie, dont les deux candidats ont promis de se préoccuper en priorité.

Une succession de pertes de plumes

Bertrand Reich parvient à la présidence en mars 2019, après que Alexandre de Senarclens eut démissionné comme il l'avait promis pour le cas où la base accorderait son soutien à Pierre Maudet. C'est donc un parti divisé qui attend cet avocat et sa promesse de rassembler. Depuis deux ans, les écueils s'accumulent et les maux du plus grand parti genevois s'avèrent tenaces. Pierre Maudet, condamné en première instance pour acceptation d'un avantage, est exclu par le comité directeur en juillet dernier, ce que certains n'ont pas digéré. Puis le PLR perd des plumes aux élections cantonales et municipales. Enfin, l'élection partielle de mars dernier au Conseil d'Etat a tourné à la Bérézina pour le parti bourgeois, le candidat du PLR, Cyril Aellen, jetant l'éponge après le premier tour devant le score canon de Pierre Maudet. Le PLR n'ayant pas présenté de candidat, c'est la PDC Delphine Bachmann qui se lance. Résultat: la Verte Fabienne Fischer l'emporte, faisant basculer la majorité de l'exécutif à gauche.

Ne pas se hasarder à une nouvelle aventure

Beaucoup ont alors reproché à Bertrand Reich de n'avoir pas prévu de plan B. Ni d'avoir su dialoguer avec les autres partis de droite pour une alliance élargie. Tout comme il lui reprocheront encore d'avoir incité les membres ayant activement soutenu Pierre Maudet à quitter le parti. Malgré la tenue d'une agora qui se voulait cathartique, le PLR a enregistré dernièrement plusieurs démissions, dont celle de Jacques Jeannerat, ancien député, du député Charles Selleger et de l'ex-maire de la Ville Michel Rossetti. Preuve que l'affaire Maudet n'a pas été soldée.

Pour autant, ces griefs n'auront finalement pas dissuadé la majorité des membres du PLR d'accorder leur confiance à leur président sortant. Ils ont préféré la constance et reconnu sa capacité de dialogue, malgré une campagne très dynamique de Sophie Creffield. Celle-ci promettait de sortir des clivages qui plombent le parti, de travailler davantage avec les associations. Cela ne lui aura pas suffi pour s'imposer. Gestionnaire d'entreprise de formation, ex-secrétaire générale du parti et ex-cheffe de cabinet de la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, démissionnaire d'un poste de direction aux HUG pour des raisons personnelles, mais aussi ancienne députée et ancienne conseillère municipale en Ville de Genève, Sophie Creffield a peut-être suscité la crainte vague d'un manque de stabilité. A moins que le parti bourgeois ait simplement préféré renoncer à une nouvelle aventure, sorti lessivé de l'affaire Maudet et à deux ans des élections cantonales et fédérales.

Notre dossier sur l'affaire Maudet.