«Cette fois, nous avons un coup d’avance et non un coup de retard comme l’an dernier!» C’est plutôt satisfait que le conseiller d’Etat genevois en charge de la Sécurité, Pierre Maudet, a présenté lundi à la presse le dispositif pour lutter contre les phénomènes de radicalisation, une année après ses premiers balbutiements. Genève promettait alors un outil global, à la fois policier et social, et intégrant les acteurs cantonaux, fédéraux et communaux.

Concernant la prévention et la détection, la dernière pièce apportée au puzzle est un numéro de téléphone: 0800 900 777. Mise en service à l’heure où le ministre s’exprime, cette ligne, une extension de «la main tendue», orientera les citoyens inquiets devant la radicalisation présumée d’un proche. A ceux qui estiment qu’une année pour mettre en place un numéro d’urgence est une performance plus que modeste, Pierre Maudet rétorque qu’il valait mieux que «l’essence précédât l’existence». Aussi vrai qu’il est peu pertinent de recueillir des appels sans savoir qu’en faire. Jusqu’ici, la plateforme «Gardez le lien» a permis de mettre la lumière sur une quinzaine de cas suspects depuis juin. Certains étaient infondés: «Beaucoup de situations sont de l’ordre du fantasme ou de l’hypervigilance», estime Yann Boggio, secrétaire général de la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe). Des parents inquiets ont par exemple été dirigés vers le Centre d’information sur les croyances. Ce dispositif pilote sera évalué d’ici une année.

35 radicalisés suivis à Genève

A Genève, 340 cas de radicalisation ont été signalés depuis 2014 par le SRC, soit 19 de plus qu’en juin. Parmi eux, 35 sont suivis car présentant un danger pour la sécurité intérieure. Ces gens ne résident pas forcément à Genève, mais y travaillent ou y ont une vie sociale, note Monica Bonfanti. Genève n’a pas enregistré de nouveau départ depuis juin, où cinq départs étaient recensés.

Mais une nouvelle menace se profile: le retour des voyageurs du djihad. Une situation pour l’heure inédite à Genève. Si le canton est tributaire des décisions judiciaires fédérales condamnant ces voyageurs d’un genre nouveau, le canton a élaboré une approche éducative en appui à la surveillance. Tant il est vrai «qu’on ne veut pas en faire des abonnés à la prison, qui est aussi le plus sûr moyen de répandre la contagion», selon Pierre Maudet. Cette approche prévoit un éducateur de référence, pour peu que la personne concernée donne son adhésion, un partenariat entre instances sécuritaires et éducatives et la constitution d’un groupe d’experts.

100 informations par jour

Si, depuis 2001, 78 personnes ont quitté la Suisse pour faire le djihad, onze retours ont été confirmés. «Ce nombre de cas est stable depuis le début de l’année, assure Paul Zinniker, vice-directeur du service de renseignement de la Confédération (SRC). En revanche, le SRC enregistre une hausse drastique d’informations sur des activités potentiellement terroristes, de l’ordre de 100 par jour. La Suisse n’est pas une île et la menace y est élevée aussi.»